Legs et donations 2022
- 56 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE justice et ainsi d’obtenir le respect de leurs droits. Elles entravent ainsi indirectement le droit d’agir en justice. Si ladite clause a ainsi perdu de sa force, il en va différemment des outils de gestion de la succession dont le de cujus peut user pour le contrôle du respect de ses dernières volontés. 2. Les outils de gestion de la succession 16 - Toujours afin d’assurer le respect de ses dernières volontés, le tes- tateur peut envisager de désigner un tiers qui veillera à leur application. Il peut ainsi imposer à ses héritiers, mais aussi à des tiers que les biens qu’il laisse ou qu’il lègue soient gérés par une personne qu’il choisit. Cette dernière veillera ainsi à ce que les dernières volontés du défunt soient bien prises en compte. Elle en assurera le contrôle. À cette fin, le testateur peut recourir à trois outils : le mandat à effet pos- thume, l’exécution testamentaire et la clause de l’article 384 du Code civil. Alors que les deux derniers outils sont anciens, le premier est relativement récent et fait encore l’objet d’interrogations. A. - Le mandat à effet posthume 17 - Le mandat à effet posthume est régi par les articles 812 à 812-7 du Code civil. Il permet au de cujus de désigner une personne qui aura pour rôle de gérer l’hérédité. Encore faut-il, cependant, que le recours au mandat soit justifié par un intérêt légitime et sérieux, cet intérêt pouvant être per- sonnel ou réel. Ainsi, le de cujus peut-il justifier le recours à un tel mandat par l’âge ou l’incapacité de ses héritiers. Il peut également le justifier par la composition de son patrimoine dont la gestion nécessite une certaine expérience, compétence. Les héritiers sont ainsi maintenus, par les dernières volontés du défunt, à l’écart de la gestion de la succession. C’est un mandat bien particulier où le mandant est décédé et où le mandataire dispose de pouvoirs que n’ont pas les personnes pour le compte desquelles il agit. Autrement dit, les héritiers sont dessaisis des pouvoirs dont dispose le mandataire. L’outil semble donc idéal pour assurer au de cujus que ces dernières volontés se- ront bien respectées. Pour autant, ledit mandat ne va pas sans limite et son régime n’est pas encore complétement éclairci. Tel est le cas notamment pour la délimitation des pouvoirs du mandataire et pour les hypothèses de révocation du mandat. 18 - Il en va ainsi, tout d’abord, de la délimitation des pouvoirs du man- dataire. Les articles 812-1-2 et 812-1-4 du Code civil distinguent deux situations, suivant qu’un héritier a accepté ou non la succession. 19 - Tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession, le mandataire ne va pouvoir accomplir que des actes qui ne valent pas acceptation tacite. Ainsi, pendant cette période, le mandataire peut accomplir des actes conserva- toires ou de surveillance et des actes d’administration provisoire. Aussi et par exemple, si dans la succession est présente une entreprise, du fait du recours au mandat à effet posthume, le défunt peut imposer à ses héritiers que la poursuite de l’exploitation de ladite entreprise soit assurée par la 9 Cass. 1 re civ., 12 mai 2010, n° 09-10.556 : JurisData n° 2010-005870 ; Bull. civ. I, n° 117 ; JCP N 2010, n° 46, 1351, note J.-G. Mahinga ; Dr. famille 2010, comm. 104, note B. Beignier. personne qu’il a choisie. Ses héritiers n’auront pas alors leur mot à dire pour l’administration de cette entreprise. 20 - Une fois que l’un des héritiers a accepté la succession, l’article 812-1-4 du Code civil renvoie au droit commun du mandat, à savoir les articles 1984 à 2010 du Code civil dès lors qu’ils ne sont pas incompatibles avec les dis- positions propres au mandat à effet posthume. Et c’est ici que les problèmes surgissent. En effet, en renvoyant au droit commun du mandat, est visé entre autres l’article 1988 du Code civil qui distingue entre le mandat général, au- quel sont liés des pouvoirs d’administration, et le mandat exprès, nécessaire pour que le mandataire puisse accomplir des actes de disposition. Ce renvoi conduit dès lors à s’interroger sur la possibilité pour le mandataire de pouvoir disposer des biens dont le de cujus lui a confiés la gestion. Deux interprétations sont possibles. La première est extensive et s’appuie sur l’article 812 du Code civil qui précise que le mandat à effet posthume peut correspondre à un mandat d’administrer ou de gérer. Or, le mandat de gérer les biens du défunt implique le pouvoir de disposer de ceux-ci. Elle permet également que le mandat à effet posthume puisse déployer la plénitude de ses effets, notamment lorsque le défunt laisse une entreprise et des enfants mineurs, le mandataire ayant alors la possibilité de céder ladite entreprise s’il s’avère que c’est la décision qu’il convient de prendre. Elle assure ainsi que les dernières volontés du défunt seront entièrement prises en compte. La seconde interprétation est restrictive et prend en considération l’une des causes de révocation du mandat à savoir la cession par les héritiers des biens gérés par le mandataire. Or, si les héritiers peuvent disposer des biens, cela impliquerait que le mandataire ne dispose pas du pouvoir d’aliéner les biens de la succession, le mandat à effet posthume étant un mandat de dessaisis- sement. Il y a donc ici un point que le législateur devrait éclaircir en choisis- sant entre faire prévaloir les dernières volontés du défunt ou laisser aux seuls héritiers le pouvoir de disposer des biens présents dans la succession. 21 - Ensuite, s’agissant des cas de révocation du mandat, l’article 812-4 du Code civil prévoit sept causes de révocation qui ne sont pas toutes respec- tueuses des dernières volontés du défunt. Il en va ainsi lorsque le mandataire choisi de renoncer au mandat, alors que la mission que lui a confiée le défunt n’est pas arrivée à son terme. Il en va de même lorsque le juge révoque le mandat en raison de la défaillance du mandataire dans l’exécution de sa mission. Mais encore, les héritiers, auxquels le défunt entend imposer ses dernières volontés, vont pouvoir eux-mêmes décider de mettre fin au mandat et ainsi ne pas respecter ce que le défunt souhaitait. Tout d’abord, ils peuvent conclure avec le mandataire un nouveau mandat. Ce nouveau mandat prend alors la place du mandat à effet posthume. Si certes les biens continuent à être gérés par le mandataire choisi par le défunt, pour autant, la gestion se fait alors dans les conditions prévues par le mandat de droit commun et les héritiers ne sont plus alors dessaisis de leur pouvoir. Ensuite, lesdits héritiers peuvent décider d’aliéner les biens gérés par le mandataire, ce qui entraîne alors la révocation du mandat. Et à cet égard, la Cour de cassation a précisé que le défunt ne peut priver ses héritiers du pouvoir de disposer des biens de la succession 9 . Il y a là une limite conséquente à la force des dernières volontés du défunt. Elle peut expliquer que le défunt se détourne dudit mandat pour lui préférer des outils plus anciens.
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