Legs et donations 2022

- 55 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE B. - Le recours à une clause « pénale » d’exhérédation 12 - Toujours afin de s’assurer que ses dernières volontés seront bien res- pectées, le testateur peut songer à insérer une clause « pénale » dans son testament visant à priver de ses droits l’héritier qui entendrait contester celles-ci. Ainsi, est-il prévu que si les legs venaient à être attaqués par l’un ou l’autre des légataires, pour quelque cause que ce soit, celui-ci serait privé de toute part dans la quotité disponible ainsi que des biens légués. Les effets d’une telle clause sont toutefois limités. 13 - Dans un premier temps, la jurisprudence distinguait suivant que la clause tendait à l’exécution d’une disposition contraire à des intérêts privés, étant alors valable, ou qu’elle faisait obstacle à l’application d’une règle impérative, auquel cas elle était nulle. Ainsi, la clause pénale pouvait elle recevoir application lorsqu’elle avait pour but d’assurer l’exécution d’un legs de la chose d’autrui ou d’un bien appartenant à un héritier. À l’inverse, lorsqu’elle portait atteinte à la réserve, elle était nulle. Encore fallait-il que la contestation de l’héritier soit fondée pour qu’il échappe à la sanction 6 . Une telle clause pouvait dès lors dissuader un héritier d’agir afin de contester les dernières volontés du défunt, alors même qu’une atteinte à sa réserve aurait pu être caractérisée. 14 - Dans un second temps, la Cour de cassation a retenu qu’une telle clause doit être privée d’effet lorsqu’elle porte une atteinte excessive au 6 Cass. 1 re civ., 20 févr. 2007, n° 04-16.461 : JurisData n° 2007-037467 ; Bull. civ. I, n° 74 ; JCP N 2007, n° 39-40, 1254, obs. J.-G. Mahinga ; Dr. famille 2007, comm. 90, note B. Beignier. – Th. Le Bars, Les clauses pénales en droit des libéralités ou le mariage de la carpe et du lapin, in Le droit entre tradition et modernité, Mél. P. Courbe : Dalloz, 2012, p. 435. 7 Cass. 1 re civ., 31 mars 2021, n° 19-24.407 : JurisData n° 2021-004749 ; JCP N 2021, n° 17, act. 445. – Q. Guiguet-Schielé, Droits fondamentaux et droit patrimonial de la famille : Gaz. Pal. 13 sept. 2016, n° 273r2, p. 41. 8 H. Leyrat, Quel avenir pour les clauses pénales insérées dans les libéralités ? : Defrénois 30 juin 2016, n° 123t3, p. 683. droit d’agir en justice 7 . Elle impose ce faisant aux juges du fond d’effectuer un contrôle de proportionnalité. Ils doivent s’assurer, au vu des intérêts en présence, que la menace d’exhérédation ne porte pas une atteinte exces- sive au droit des héritiers de contester en justice la libéralité, sachant que l’excès doit s’apprécier par rapport à l’exercice du droit d’agir en justice et non pas par rapport à la sanction encourue. On ne sait encore comment les juges du fond vont apprécier concrètement cet excès. Vont-ils ou non prendre en compte les démarches effectuées par l’héritier ou le légataire avant que ce dernier n’agisse en justice ? Ainsi, il y aurait excès si en dépit desdites démarches pour obtenir que soit retenue amiablement une atteinte à sa réserve, l’héritier était privé de ses droits dans la quotité disponible parce qu’il a cru de façon erronée qu’existait une atteinte à ses droits réservataires. 15 - Avec une telle jurisprudence, la Cour de cassation vient réduire les moyens de contrôle dont le de cujus peut user pour s’assurer que ses der- nières volontés seront bien respectées 8 . En effet, alors même que la clause ne viserait qu’à priver le contestataire d’une partie de la quotité disponible sans porter atteinte à ses droits à réserve, la clause pourrait être privée d’effet. En outre, le contrôle de proportionnalité repose actuellement sur des critères flous. Enfin, il est possible que la Cour de cassation aille plus loin encore en retenant que de telles clauses portent nécessairement et obligatoirement atteinte au droit d’agir en justice. En effet, lesdites clauses ont pour objectif d’intimider héritiers et légataires en les dissuadant d’exercer toute action en

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