Legs et donations 2022
- 54 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE volontés du défunt peuvent en effet être aussi bien extrapatrimoniales que patrimoniales 2 . Une fois celles-ci éclaircies, rédigées, le de cujus peut s’interroger sur leur respect après son décès. À quoi bon en effet exprimer des dernières volontés si, une fois passé de vie à trépas, celles-ci sont méconnues ? Ne pouvant être acteur du contrôle de leur respect, il peut lui être indiqué qu’il peut recourir à différents outils qui seront de nature à le rassurer. Nous exa- minerons parmi ceux-ci ceux relatifs aux dernières volontés patrimoniales. Aussi, peut-il être proposé au testateur tant des outils de sanction du gratifié qui ne respecterait pas ses dernières volontés que des outils de gestion de la succession où c’est un tiers, choisi par lui, qui contrôlera qu’elles ne soient pas méconnues. 1. Les outils de sanction du gratifié 3 - Pour s’assurer que ses dernières volontés patrimoniales exprimées dans un testament seront bien respectées, le testateur peut estimer utile de recou- rir à une clause « pénale d’exhérédation ». Par ailleurs, lorsque le testateur a entendu imposer au légataire l’exécution d’une charge, il a la possibilité de recourir à une clause résolutoire, sachant que ses héritiers notamment auront la possibilité d’agir s’il s’avère, après le contrôle qu’ils auront réalisé, que le légataire n’exécute pas correctement la charge. A. - La révocation pour inexécution des charges 4 - Comme une donation, un legs peut être grevé d’une charge. Cette charge s’exécute nécessairement après le décès du testateur. Ce dernier ne peut donc veiller lui-même à ce que celle-ci soit bien exécutée. Le contrôle du respect de cette dernière volonté conduit alors à envisager trois points : qui va pouvoir agir en révocation du legs si le légataire n’exécute pas la charge ? De quelle façon est-il possible d’organiser les conséquences de l’inexécution d’une charge ? Pendant quel délai va-t-il être possible d’obtenir que les der- nières volontés du défunt soient respectées ? 5 - S’agissant des personnes pouvant agir afin de faire respecter le testament et spécifiquement l’exécution de la charge, peuvent être intéressés tant le bénéficiaire de la charge que les héritiers du testateur. 6 - Pour ce qui est tout d’abord du bénéficiaire de la charge, la jurisprudence admet qu’il puisse agir, mais uniquement en exécution. Autrement dit il ne peut agir en résolution du legs. Pour expliquer cette restriction, il est fait appel aux règles de la stipulation pour autrui, notamment l’article 1206 du Code civil suivant lequel le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation. C’est également l’absence d’intérêt à agir qui est mis en avant, le bénéficiaire de la charge n’ayant aucun intérêt à ce que le legs portant la charge soit résolu. 7 - Pour ce qui est ensuite des héritiers du testateur, ils peuvent agir tant en exécution qu’en résolution du legs. Par héritiers, il faut entendre tant ceux 2 M. Grimaldi, Les dernières volontés, in Écrits en hommage à Gérard Cornu : Paris, PUF, 1994, p. 177 et s. – C. Bahurel, Les volontés des morts. Vouloir pour le temps où l’on ne sera plus, préf. M. Grimaldi : LGDJ, 2014. 3 S’agissant de l’action en réduction, V. M. Grimaldi, La prescription et le droit patrimonial de la famille : RDC 2020, n° 116x0, p. 156. 4 Ph. Malaurie, La réforme de la prescription civile : Defrénois 30 oct. 2008, n° AD2008DEF2029N1, p. 2029. 5 Cass. 3 e civ., 1 er oct. 2020, n° 19-16.561 : JurisData n° 2020-015341 ; Constr.-Urb. 2020, comm. 143, obs. Ch. Sizaire ; JCP N 2020, n° 41-42, act. 818. désignés par la loi que ceux désignés par le testateur, à savoir les légataires universels. Les légataires à titre universel, dès lors qu’ils y ont intérêt, pour- raient aussi agir en résolution du legs pour lequel la charge n’est pas exé- cutée dès lors qu’ils peuvent être bénéficiaires de la révocation. En présence d’une pluralité d’héritiers, quel que soit l’objet du legs, chaque héritier devrait pouvoir agir en résolution du legs dans son intégralité. 8 - Une clause résolutoire peut être prévue dans le testament. Celle-ci per- mettra au testateur de renforcer la prise en compte de ses dernières vo- lontés. En effet, alors qu’une résolution judiciaire nécessite une inexécution grave et une décision de justice, la mise en jeu d’une clause résolutoire permettra une résolution du legs pour toute inexécution de la charge. En cas de contestation, le juge ne fera que vérifier si les conditions prévues par la clause sont réunies et constatera, si tel est bien le cas, la résolution du legs. Précisons relativement à cette clause qu’elle pourra être invoquée par toute personne ayant intérêt à ce que le legs soit résolu, mais également par l’exécuteur testamentaire qui contrôle le respect des dernières volontés du défunt dès lors, bien entendu, que le testateur en a désigné un. 9 - Il reste à préciser le délai de prescription de l’action en résolution du legs pour inexécution de la charge. Il est parfois proposé de distinguer sui- vant que le legs a pour objet un meuble ou un immeuble : s’appliquerait le délai de prescription de 5 ans de l’article 2224 du Code civil, lorsqu’il s’agit d’un meuble, et le délai de prescription trentenaire de l’article 2227 du Code civil, lorsqu’il s’agit d’un immeuble. Pour autant, il n’est nullement certain qu’une telle distinction ait lieu d’être. Il est vrai que, s’agissant d’une action en résolution, elle peut être qualifiée d’action mixte, emportant tout à la fois contestation sur un droit personnel et sur un droit réel, de telle sorte que la décision qu’elle a pour objet de provoquer en ce qui concerne l’existence du droit personnel aura pour effet virtuel de résoudre la question de l’existence du droit réel. Que l’on adopte une analyse moniste de ladite action ou une analyse dualiste, on est conduit à retenir l’application du délai de droit commun, donc du délai de prescrip- tion quinquennale de l’article 2224 du Code civil 3 . 10 - S’agissant de l’analyse moniste, elle revient à considérer que l’action mixte n’entre dans aucune catégorie visée par l’article 2227 du Code civil et qu’il y a donc lieu de faire application du délai de droit commun. 11 - S’agissant de l’analyse dualiste, elle soumet le succès de l’action réelle à la possibilité d’exercer l’action personnelle, cette dernière se prescrivant nécessairement selon le délai de l’article 2224 du Code civil. Aussi, lorsque l’action personnelle est prescrite, l’action réelle ne peut qu’échouer 4 . À cet égard, il peut être souligné que la Cour de cassation a retenu comme délai de prescription d’une action en résolution d’une promesse de vente d’un immeuble celui de l’article 2224 du Code civil 5 . C’est donc l’aspect personnel de l’action qui l’a emporté sur son aspect réel et il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment pour l’action en résolution d’un legs pour inexécution des charges.
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