Legs et donations 2022
- 51 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE dit mot de ses anciennes dispositions, on devrait présumer qu’il les a soit oubliées, soit volontairement passées sous silence, en pensant qu’elles sont forcément révo- quées 9 . Cependant, cette règle ne serait que supplétive. Le testateur pourrait dé- cider du maintien de ses dispositions an- térieures, mais il devrait le mentionner de manière expresse. En cas de contrariété entre les anciennes dispositions, expressément maintenues, et les nouvelles, il faudrait alors toujours faire primer les nouvelles dispositions. On pourrait imaginer une rédaction de ce type pour un article fusionnant les articles 1035 et 1036 : « Le testament sera toujours révoqué par un testament postérieur. Toutefois, dans le nou- veau testament, le testateur peut indiquer, de manière expresse, sa volonté de maintenir ses anciennes dispositions. » . Ces remèdes législatifs pourraient limiter voire réduire considérablement le contentieux testamentaire. Les solutions ici proposées sont radicales et pourront paraître excessives. Mais seule une volonté certaine doit pouvoir déroger à la succession légale, pas une volonté douteuse, composée par le juge. 2. La refonte du formalisme testamentaire 7 - Les textes sur le formalisme testamentaire n’ont quasiment pas évo- lué depuis 1804 10 , malgré de nombreuses propositions doctrinales 11 . C’est pourquoi il peut être intéressant de réviser les modes de tester actuels, voire d’en créer d’autres. A. - La révision des modes de tester 8 - Entre les quatre formes offertes par le Code civil, toutes n’ont pas le même poids en pratique. Le testament mystique est tombé en désuétude et son abrogation devrait être envisagée 12 . Si on laisse de côté le testament international, qui tout en étant relativement rare, présente un intérêt dans des situations internationales, les formes les plus utilisées sont essentiel- lement les deux dernières : le testament authentique et le testament olo- graphe, avec une forte prépondérance de ce dernier. 9 - Le testament olographe. – Par la simplicité de ses exigences, le tes- tament olographe est à l’évidence une cause directe du contentieux de 9 C’était la solution du droit romain. J.-P. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil : Dalloz, 2 e éd., 2010, n° 883. 10 Le législateur est cependant intervenu, par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, pour élargir les conditions du testament authentique, en l’ouvrant aux personnes ne s’exprimant pas en langue française et ne pouvant ni parler, ni lire, ni écrire (C. civ., art. 972). 11 L’offre de loi du groupe formé à l’initiative de Jean Carbonnier contient des propositions très intéressantes sur le formalisme testamentaire, lesquelles n’ont pas été retenues par la loi du 23 juin 2006. V. Carbonnier, Catala, Saint Affrique et Morin, Des libéralités : une offre de loi : Defrénois 2003. 12 Le testament mystique souffre de deux limites bien connues : d’un côté, il est aussi fragile qu’un testament olographe et peut être tout aussi facilement contesté ; de l’autre, il est soumis à des contraintes de forme, qui l’exposent à de nouvelles nullités. Il est donc inutile et dangereux. 13 Par exemple, le droit russe impose la forme authentique pour le testament ; mais il faut préciser que plusieurs personnes détenant une autorité (médecins, capitaines, commandants militaires, etc.) sont assimilées aux notaires et que la forme olographe est possible à titre exceptionnel, lorsqu’il n’est pas possible de recourir à la forme authentique. Ce qui démontre que l’unicité d’une forme testamentaire est illusoire et qu’il faut toujours prévoir des formes plus allégées, au moins à titre exceptionnel. 14 En revanche, il paraît judicieux d’imposer ponctuellement le recours au testament authentique dans des cas précis, comme pour le fait de priver le conjoint survivant de son droit viager au logement (C. civ., art. 764, al. 1 er ). 15 C. civ., art. 958-1 : « si un testament olographe, préalablement clos par le testateur, est déposé chez un notaire, celui-ci mentionnera la date du dépôt sur le papier ou sur l’enveloppe contenant les dispositions. Cette mention vaudra comme date du testament qui n’aurait pas été daté par le testateur ou l’aurait été imparfaitement ». l’interprétation des testaments. D’où l’idée parfois avancée d’imposer le testament au- thentique, comme unique forme de tester ; le notaire pourrait jouer un rôle de conseil utile à l’amélioration de la qualité testamen- taire 13 . Le législateur pourrait être sensible à cette évolution, dans la mesure où il y aurait là un moyen de diminuer, voire de mettre fin au contentieux récurrent de l’interprétation des testaments et ainsi décharger les tribunaux de ce travail délicat. Toutefois, le formalisme simplifié du testa- ment olographe est devenu, en France, l’incarnation de la liberté de tester. Un législateur ne doit pas, à notre sens, remettre en cause des libertés civiles qui sont entrées dans les habitudes des citoyens. C’est même l’honneur d’une législation d’accorder aux citoyens le droit de régler leur succession par un acte sous seing privé. Imposer le testament authentique aboutirait à priver, non en droit mais en fait, un certain nombre de personnes de l’exercice du droit de tester 14 . 10 - Une autre voie, intermédiaire, consisterait à imposer au testateur de dépo- ser lui-même son testament olographe auprès d’un notaire, à peine de nullité de l’acte. Le testament serait conservé en sécurité et le notaire pourrait pro- diguer des conseils utiles au testateur. Mais une telle réforme ne serait pas forcément opportune : le testateur peut préférer garder son testament près de lui, pour le relire et pouvoir le modifier facilement ; de plus, il paraîtrait radical d’annuler un testament olographe pour la seule raison qu’il n’a pas été déposé chez un notaire, dans l’hypothèse où le testateur en aurait été empêché par une mort soudaine. C’est pourquoi il semble plus raisonnable de favoriser le dépôt du testament chez le notaire plutôt que de l’imposer. À ce propos, l’offre de loi du groupe Carbonnier proposait un nouvel article 958-1 du Code civil reconnaissant la pratique du dépôt du testament olographe chez le notaire et prévoyant que la mention de la date apposée sur le testament ou l’enveloppe vaudrait comme date du testament, au cas où le testateur ne l’aurait pas daté ou l’aurait daté imparfaitement 15 . C’est dans ce sens qu’il faudrait avancer. B. - La création de nouvelles formes de tester 11 - Le droit français comporte deux lacunes qui méritent réflexion : le testa- ment d’urgence et le testament conjonctif. À l’heure du numérique, on peut aussi se demander si un testament vidéo pourrait trouver, un jour, place dans notre droit… Seule une volonté certaine doit pouvoir déroger à la succession légale, pas une volonté douteuse, composée par le juge
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