Legs et donations 2022

- 41 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE En présence d’héritiers réservataires, le legs et la donation ne peuvent donc pas porter sur l’intégralité des droits patrimoniaux de l’auteur, qu’il s’agisse dumonopole d’exploitation ou du droit de suite, l’auteur ne pouvant disposer que de la quotité disponible divulgation 23 qui s’épuise au premier usage qu’en fait l’au- teur 24 et dont la transmission n’est donc possible que pour les œuvres posthumes. Il est également admis que le droit de repentir et de retrait 25 , droit éminemment personnel, s’éteint a la mort de l’auteur et ne se transmet pas aux hé- ritiers 26 . La solution va de soi lorsqu’il s’agit d’envisager la modification de l’œuvre qui ne saurait être réalisée que par l’auteur lui-même. En revanche, rien n’empêche ce dernier d’exprimer de son vivant sa volonté de retirer son œuvre du marché, les héritiers titulaires du droit moral nous paraissant alors y être tenus 27 . 13 - Choix du bénéficiaire. – Hormis ces réserves, l’auteur est libre de transmettre tout ou partie de ses prérogatives de droit moral a une ou plu- sieurs personnes de son choix 28 . Le testament permet alors d’échap- per à la complexité de la dévolution successorale légale des droits moraux. En effet, les dispositions testamentaires peuvent aligner le régime successoral du droit de divulgation sur celui du droit au respect de l’œuvre et du droit à la paternité , ou bien confier l’intégra- lité des prérogatives morales à un légataire universel , ce dernier ayant, selon une jurisprudence constante, « vocation à recevoir l’universalité hé- réditaire, et, en particulier, à devenir titulaire, même en présence d’héritiers réservataires, du droit moral de l’auteur » 29 . 14 - Exécuteur testamentaire. – Si un exécuteur testamentaire est insti- tué, le droit de divulgation lui appartient ( CPI, art. L. 121-2, al. 2) sans qu’il soit nécessaire qu’une disposition testamentaire lui en confère expressé- ment l’exercice, mais il pourra aussi exercer l’ensemble des droits moraux à condition que le testament le mentionne expressément. L’exécuteur tes- tamentaire choisi par l’auteur peut être un membre de sa famille, un tiers de confiance, mais aussi son conjoint. S’il veut assurer à ce dernier un exercice paisible de son usufruit spécial (ou de l’usufruit de droit commun), il a tout intérêt à le désigner exécuteur testamentaire 30 . Son conjoint sera alors titulaire du droit de divulgation et usufruitier des droits patrimoniaux, 23 Pour rappel, le droit de divulgation permet à l’auteur de faire connaître son œuvre au public selon les modalités qu’il fixe. 24 Cass. 1 re civ., 11 déc. 2013, n° 11-22.031 : JurisData n° 2013-028465 ; Comm. com. électr. 2014, comm. 15, Ch. Caron ; Propr. intell. 2014, p. 65, obs. A. Lucas. 25 Ce droit permet a l’auteur de retirer son œuvre de la circulation pour mettre fin à son exploitation ou pour la modifier. 26 Jurisprudence constante. V. par ex., CA Paris, 17 déc. 1986 : JCP 1987, II, 29899, note B. Edelman. 27 En ce sens également, A. Lucas, A. Lucas-Schloetter et C. Bernault, Traité de la propriété littéraire et artistique : LexisNexis, 5 e éd., 2017, n° 686. 28 On relèvera que cette liberté de désigner un tiers titulaire du droit moral post-mortem n’existe pas pour l’artiste-interprète dont le droit moral est transmissible aux héritiers. L’article L. 212-2 du Code de la propriété intellectuelle ne faisant aucune mention d’une éventuelle disposition testamentaire, la jurisprudence en déduit que les héritiers légaux ne peuvent être écartés. Il a ainsi été jugé que la veuve d’un artiste-interprète n’est recevable à agir seule en défense du droit moral que si elle a l’accord des autres héritiers (CA Paris, ch. 1, sect. A, 28 avr. 2003 : JurisData n° 2003-215499 ; Comm. com. électr. 2003, comm. 83, note Ch. Caron ; Gaz. Pal. 2004, 1, somm., p. 1388, obs. Martinet ; LPA 2004, n° 13, p. 12, obs. Daverat). 29 Cass. 1 re civ., 17 déc. 1996, Picabia : RIDA 1997, n° 72, p. 265, obs. A. Kéréver ; RTD com. 1998, p. 148, obs. A. Françon. 30 Il devra l’exprimer formellement dans un testament établi conformément aux règles du droit commun (V. Cass. 1 re civ., 28 mai 2015, n° 14-14.506 : JurisData n° 2015-012526 ; Dr. famille 2016, comm. 153, note S. Torricelli-Chrifi ; LEPI sept. 2015, p. 2, nos obs.). Il a été jugé que la volonté de l’auteur de désigner sa veuve comme exécutrice testamentaire ne peut résulter seulement d’un entretien accordé par l’auteur et des dessins de ce dernier intitulés du surnom de la veuve et portant des dédicaces à son intention et titulaire du droit de divulgation (Cass. 1 re civ., 20 févr. 2019, n° 17-18.415 et 17- 19.273, Moebius : JCP N 2019, n° 24, 1212, note P. Noual ; Comm. com. électr. 2019, comm. 22, note Ch. Caron ; Propr. intell. 2019, n° 72, p. 37, A. Lucas). 31 Mais son action demeure soumise au contrôle de l’abus notoire (V. infra § 19). 32 Rappelons en effet qu’un conflit peut opposer le titulaire du monopole d’exploitation et le titulaire du droit de divulgation s’ils ne sont pas la même personne. En effet, le premier ne pourra exploiter une œuvre inedite qu’en obtenant l’accord du second. 33 V. P.-Y. Gautier, La solution Goncourt : les fondations indirectes en droit d’auteur : D. 1991, chron. p. 145. 34 V. J. Aittouares, Les risques de démembrement des droits de l’auteur décédé, in La transmission successorale du droit d’auteur, Questions d’actualite et difficultes pratiques, actes du colloque, (dir.) T. Azzi : Institut Art et droit, 2014, p. 7. ce qui lui permettra de décider seul de la divulgation 31 , puis de l’exploitation d’une œuvre posthume 32 . 15 - Choix d’une personne morale. – La désignation d’un exécuteur testamentaire ou d’un légataire personne phy- sique n’est toutefois pas sans inconvénient. Ainsi, une fois l’exécuteur testamentaire décédé, le droit de divulgation retourne aux héritiers de l’auteur (CPI, art. L. 121-2, al. 2) , aux petits-enfants, par exemple, que l’auteur n’aura pas forcément connus. On retrouve ici l’intérêt, déjà souligné à propos des droits patrimoniaux, qu’il peut y avoir à anticiper ce problème de la deuxième génération en confiant à une personne morale (association, fondation, organisme de gestion col- lective) la gestion post-mortem du droit moral 33 . 16 - Éclatement des droits. – On voit surtout que la volonté de l’auteur peut conduire à un éclatement des droits lorsque le de cujus décide de disposer de tel ou tel droit au profit de personnes différentes, ou encore lorsqu’il lègue un droit déterminé, les autres restant soumis à la dévolution légale. Par exemple, pour le droit moral, si l’auteur a désigné un exécuteur testamentaire sans plus de précisions, celui-ci sera en mesure de n’exercer que le seul droit de divulgation. Dès lors, le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre et le droit a la paternité seront dévolus aux héritiers de l’auteur et « partagés » entre les descendants et le conjoint survivant de l’auteur. Or, ceux-ci peuvent avoir des positions opposées et ne pas s’accorder sur le sort a donner a telle ou telle œuvre de l’auteur défunt. Mais la volonté de l’auteur peut aussi permettre utilement de réunir tous les droits moraux et patrimoniaux, autant que faire se peut, au bénéfice de la même personne de confiance, une solution de nature à garantir une gestion sereine et effi- cace des droits d’auteur post-mortem en limitant les blocages et conflits 34 . 17 - Choix des modalités d’exercice des droits moraux. – Enfin, pour parfaire ses dernières volontés, l’auteur a tout intérêt à indiquer la façon dont il souhaite que ses droits d’auteur soient exercés après sa mort. Il peut par exemple préciser dans son testament que ses héritiers ne pourront pas

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