Legs et donations 2022

- 39 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE suit une organisation particulière (CPI, art. L. 121-2, al. 2) 3 exclusive de l’application du droit commun 4 . Pour cette dernière prérogative, priorité est donnée à l’exécuteur testamentaire et, à défaut, et sauf volonté contraire de l’auteur, sa transmission est organisée dans l’ordre suivant : – aux descendants ; – au conjoint, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage ; – aux héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession ; – et, enfin, aux légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir. On rappellera également que le législateur s’est attaché à améliorer le sort du conjoint survivant non remarié en lui accordant un usufruit spécial qui porte sur les droits d’exploitation et le droit de suite (CPI, art. L. 123-6 et L. 123-7) 5 . Si l’auteur laisse des descendants, héritiers à réserve, cet usufruit spécial est réduit au profit de ces derniers, suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 du Code civil. 3 - Ces règles spécifiques ne concernent que les droits d’auteur et non le support matériel de l’œuvre qui reste soumis au droit commun des suc- cessions. Il faut ici rappeler la distinction fondamentale entre le support, objet d’un droit de propriété corporelle, et l’œuvre qui donne prise au droit d’auteur. Même si cette distinction est difficile à appréhender en matière d’œuvres d’art, car supports et œuvres sont étroitement imbriqués, droits d’auteur et droits de propriété corporelle forment des lots différents dans la masse successorale et n’obéissent pas au même régime 6 . 4 - Si l’auteur peut choisir d’abandonner ses droits au jeu de cette com- plexe dévolution légale, il peut aussi préférer organiser différemment sa succession. Il lui revient alors de « préparer sa succession » et d’exprimer ses dernières volontés au sein d’un testament ou à travers des libéralités. Des dispositions spécifiques viennent toutefois encadrer cette liberté succes- sorale de l’auteur, mais aussi garantir le respect de ses dernières volon- tés après sa mort, car le droit d’auteur post-mortem est une « propriété contrôlée » 7 . 3 La Cour de cassation a opté pour une interprétation littérale et disjonctive consistant à n’appliquer cette disposition qu’au seul droit de divulgation et à soumettre le droit à la paternité et le droit au respect de l’œuvre à l’ordre du droit commun des successions (Cass. 1 re civ., 11 janv. 1989, n° 87-11.976, Utrillo : JCP G 1989, II, 21378, obs. A. Lucas ; D. 1989, p. 308, obs. B. Edelman ; D. 1989, Somm., p. 57, obs. C. Colombet). 4 En ce sens, CA Paris, pôle 5, ch. 1, 28 fevr. 2017, n° 15/20021 : Propr. intell. 2017, n° 64, p. 62, obs. A. Lucas. 5 Cet usufruit spécial est distinct et indépendant de l’usufruit légal de l’article 757 du Code civil qui porte sur les autres biens de l’auteur décédé (meubles et immeubles). Les deux usufruits peuvent se cumuler, mais le conjoint peut aussi renoncer a l’un d’eux, si cela s’avere plus avantageux pour lui. 6 Ainsi, le legs par un artiste de ses tableaux (supports matériels) à un tiers n’emporte pas transmission des droits d’auteur qui pourront être transmis à ses héritiers. Le titulaire des droits d’auteur post-mortem ne pourra en principe pas exiger du tiers, proprietaire du support, la mise a disposition de celui-ci pour l’exercice de ses droits ; ensuite, le tiers propriétaire de l’objet matériel ne sera investi d’aucun des droits d’auteur lui permettant d’exploiter ou de divulguer l’œuvre. 7 N. Binctin, Droit d’auteur et droit des successions : RIDA oct. 2012, p. 7. 8 Le droit de suite a longtemps échappé à la volonté successorale de l’auteur. Du fait de sa nature alimentaire, il était dévolu aux seuls héritiers ab intestat de l’auteur à l’exclusion des légataires testamentaires (CPI, art. L. 123-7 ancien). Cette spécificité française, critiquée par une doctrine unanime, a été supprimée par la L. n° 2016-925, 7 juill. 2016, relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine : JO 8 juill. 2016, texte n° 1. 9 V. H. Dupin et A.-S. Nardon, Proposition de clausier, in La transmission successorale du droit d’auteur, Questions d’actualite et difficultes pratiques, actes du colloque : Institut Art et droit, 2014, p. 49 et 50. 10 V. par ex., Cass. 1 re civ., 8 avr. 1986, n° 84-14.118 : JurisData n° 1986-000632 ; Bull. civ. I, n° 81. 11 Les lois n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 et n° 2006-728 du 23 juin 2006 ont fait du conjoint survivant un héritier de premier rang et héritier réservataire en l'absence de descendants (C. civ., art. 914-1). 1. Les dernières volontés encadrées 5 - L’auteur peut vouloir favoriser son conjoint au détriment des enfants ou, au contraire, confier la gestion de ses œuvres à un ou des enfants plutôt qu’à son conjoint ou encore préférer que les décisions sur son œuvre soient prises par un tiers de confiance « spécialisé ». Si la liberté successo- rale de l’auteur existe, elle est encadrée. Les dernières volontés de l’auteur sont limitées tant dans leur contenu que dans leur forme d’expression et il convient à cet égard de distinguer la dévolution volontaire des droits patri- moniaux de celle des droits moraux. A. - La dévolution volontaire des droits patrimoniaux 6 - Legs. – L’auteur peut, comme pour ses autres biens meubles et im- meubles, disposer par testament de ses droits d’exploitation de reproduc- tion et de représentation et aussi de son droit de suite (CPI, art. L. 123-7 ) 8 . La liberté successorale de l’auteur est grande, celui-ci pouvant transmettre ses droits par legs universel, a titre universel ou a titre particulier, désigner la ou les personnes de son choix (parentes ou non parentes) et, s’il le sou- haite, morceler ses droits, y compris son droit de suite, en les léguant à différentes personnes pour tout ou partie de ses œuvres 9 . Le testament doit néanmoins respecter le formalisme ordinaire des articles 967 et suivants du Code civil. On rappellera ainsi qu’il est de jurisprudence constante que lorsque l’écriture du testament est le fait d’un tiers, le testament est nul 10 . 7 - Gratification du conjoint. – Le legs n’est pas la méthode la plus usitée par le disposant pour gratifier son conjoint. En effet, le testament conjonctif étant interdit (C. civ., art. 968) , l’auteur peut préférer consentir une donation entre époux au dernier des vivants (C. civ., art. 1096, al. 1 er ) . Cette dernière est toutefois exclue pour le droit de suite qui, en raison de son caractère ina- liénable (CPI, art. L. 122-8) , ne peut être transmis que par voie testamentaire. 8 - Gratification d’un tiers. – L’auteur peut également vouloir gratifier un tiers plutôt que son conjoint. En effet, si l’on s’en tient aux règles de dévolu- tion légale, le conjoint survivant bénéficie déjà d’une protection patrimoniale très importante depuis les réformes successorales de 2001 et de 2006 11 . En outre, il peut bénéficier de l’usufruit spécial sur les droits d’exploitation consacre par le Code de la propriété intellectuelle. Il peut aussi avoir bénéficié de donations (cessions à titre gratuit) de droits d’exploitation consenties par l’auteur de son vivant.

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