Legs et donations 2022
- 29 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE unilatéral de disposition à cause de mort et à titre gratuit contenu dans un testament (et essentiellement révocable) par lequel le testateur laisse tout ou partie de ses biens en pleine propriété […] à un légataire » 2 . 3 - Qu’en est-il alors du don d’organes ? – S’agit-il, cette fois, d’un don au sens technique du terme ? La réponse semble là encore négative, tout du moins pour l’hypothèse qui nous intéresse, c’est-à-dire celle du don post-mortem. En effet, si le don implique en principe d’être volontaire, le consentement est ici relégué à une place secondaire par le législateur. Tout au plus, la référence au don permet-elle d’exclure le caractère commercia- lisable des organes, en postulant le caractère désintéressé de l’opération. Ainsi, en matière post-mortem , la loi tend davantage à organiser le pré- lèvement d’organes sur une personne décédée qu’à mettre en place un système de don, au sens strict 3 . 4 - Encadrement juridique du don de corps et d’organes. – Les dons d’organes ont été initialement encadrés par la loi Caillavet du 22 décembre 1976 4 , qui est venue fixer les conditions de prélèvement, sur personnes vivantes ou décédées, ainsi que les conditions d’utilisation des organes prélevés. Par la suite, le législateur a construit un cadre général pour le don et l’utilisation des éléments et des produits du corps humain lors des lois bioéthiques en 1994 5 , ces dispositions ayant ensuite été modifiées à plusieurs reprises 6 . Les solutions retenues en la matière portent l’em- preinte des intérêts contradictoires qui la sous-tendent. Il s’agit, d’une part, de favoriser les prélèvements post-mortem , car ces prélèvements sauvent des vies humaines et, d’autre part, d’assurer le respect de la personne sur laquelle les organes sont prélevés. Pour le dire autrement, il s’agit de conci- lier l’indisponibilité (du corps humain) et la mise à disposition (de certains de ses produits ou éléments). 5 - En comparaison, le désintérêt du législateur pour le don de corps peut surprendre. En effet, cette pratique est, pendant longtemps, restée la grande oubliée des lois bioéthiques. Fondée sur le principe de liberté des funérailles, elle était principalement réglementée par l’article R. 2213-13 du Code général des collectivités territoriales, qui détaille les conditions et les formalités encadrant l’opération. Ancré dans la police des funérailles et des lieux de sépulture, ce texte répond exclusivement à des impératifs d’ordre public et de santé publique. Or, s’il est évident que le législateur se doit d’encadrer le sort du cadavre dans les jours suivants le décès comme dans sa destination finale, l’opération de don du corps ne saurait être lue sous le seul prisme du droit funéraire. Son objet – le cadavre – emporte 2 Cornu, Vocabulaire juridique, V. Legs. Notons toutefois que le législateur n’est nullement troublé par ces questions de qualification, puisqu’il qualifie tour à tour l’opération de don, dans l’alinéa 1 er de l’article R. 2213-13 du Code général des collectivités territoriales, puis de legs, dans l’alinéa 2 du même texte. 3 À noter d’ailleurs que la loi Caillavet était relative aux « prélèvements d’organes » ; ce texte initial ne faisait aucune référence au don. Il se contentait de préciser que ces prélèvements ne pouvaient donner lieu à aucune contrepartie pécuniaire (L. n° 76-1181, 22 déc. 1976, art. 3, relative aux prélèvements d’organes, dite « Loi Caillavet » : JO 23 déc. 1976). 4 L. n° 76-1181, 22 déc. 1976, relative aux prélèvements d’organes, dite « Loi Caillavet » : JO 23 déc. 1976. 5 L. n° 94-654, 29 juill. 1994, relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal : JO 30 juill. 1994. 6 Pour les modifications les plus récentes, V. L. n° 2016-41, 26 janv. 2016, de modernisation de notre système de santé : JO 27 janv. 2016, texte n° 1. – Et D. n° 2016-1118, 11 août 2016, relatif aux modalités d’expression du refus de prélèvement d’organes après le décès : JO 14 août 2016, texte n° 16. 7 Ce titre est constitué d’un unique article rédigé de la manière suivante : « Article 1261-1. - « Une personne majeure peut consentir à donner son corps après son décès à des fins d’enseignement médical et de recherche. Le consentement du donneur est exprimé par écrit. Le présent alinéa ne s’applique pas aux personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. Ce don ne peut être effectué qu’au bénéfice d’un établissement de santé, de formation ou de recherche titulaire d’une autorisation délivrée par les ministres de tutelle de cet établissement. Les conditions d’ouverture, d’organisation et de fonctionnement de ces structures sont définies par décret en Conseil d’État. Ce décret précise notamment les conditions de prise en charge financière du transport des corps. Il précise également les conditions de restitution des corps ayant fait l’objet d’un tel don en prenant en compte la volonté du donneur ainsi qu’en informant et en associant sa famille aux décisions. Les établissements de santé, de formation ou de recherche s’engagent à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés. » également, et nécessairement, l’application des principes protecteurs du corps humain. Le récent scandale du centre du don des corps de l’uni- versité Paris-Descartes a permis de mettre en lumière cet encadrement lacunaire. Il a incité le législateur à se saisir de cette question, en fin de travaux parlementaires, lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioé- thique. Le texte définitif, adopté le 29 juin 2021 par l’Assemblée nationale, intègre dans le Code de la santé publique un nouveau titre relatif au « don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche » 7 . Le corps donné à la science quitte donc enfin les seules rives du droit funéraire pour être envisagé pleinement en tant que reste humain. 6 - Don et volonté. – Ainsi, les problématiques du don d’organes et du don de corps sont appréhendées de manière très différente par le légis- lateur. Le constat est identique lorsque l’on analyse ces dons sous l’angle de la volonté. Quelle est la place de la volonté en matière de don de corps et d’organes ? Comment s’exprime-t-elle ? Quid , ensuite, de son respect post-mortem ? 1. L’expression de la volonté quant au devenir du corps et des organes 7 - En matière de don de corps, la volonté s’exprime de manière positive, par un consentement du donneur. À l’inverse, pour le don d’organes, le sys- tème mis en place par le législateur est celui du consentement présumé : la volonté s’exprime de manière négative, par un refus des prélèvements d’organes post-mortem . Ainsi, la volonté de la personne prend la forme soit de l’expression d’un consentement, soit de l’expression d’un refus. A. – Don de corps : l’expression d’un consentement 8 - Consentement et atteinte à l’intégrité corporelle. – Les lois bioéthiques ont accordé une importance primordiale à la question du consentement, en s’intéressant très largement à toutes les pratiques rela- tives à la médecine et à la recherche utilisant des parties du corps humain. L’article 16-3 du Code civil subordonne notamment les atteintes à l’intégrité du corps humain à deux conditions cumulatives : d’une part, la nécessité médicale pour la personne ou l’intérêt thérapeutique d’autrui et, d’autre part, le consentement de la personne. L’exigence de consentement se dé- cline, ensuite, dans de nombreux articles du Code civil ou du Code de la santé publique (C. civ., art. 16-10. – CSP, art. L. 1111-4, al. 3, L. 1122-1, 1, al. 1, L. 1231-1, al. 3 et L. 1241-1, al. 2) . Ces textes précisent les caractères
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