Legs et donations 2022
- 26 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE B. - Les modes judiciaires de résolution des conflits 24 - Face à ces conflits, le rôle du juge judiciaire est essentiel ; ce rôle s’exprime à travers une procédure d’urgence et la saisine du tribunal judi- ciaire 32 du lieu du décès par assignation ou par requête conjointe au greffe. Le tribunal doit alors décider dans les 24 heures et l’appel de sa décision peut être fait dans les 24 heures auprès du premier président de la cour d’appel. Deux modes de résolution judiciaire des conflits s’offrent au juge. 25 - Premier cas. – Le juge a des raisons de penser qu’il existe une volonté exprimée du vivant de son auteur, mais le contenu et les ressorts de cette volonté sont incertains ou sont contestés par d’autres éléments. Le travail auquel se livre le juge est alors un travail d’interprétation de la volonté mal exprimée ou dissimulée. Il y a là une sorte de survie abstraite de la per- sonnalité juridique du défunt afin que le juge puisse l’interroger. S’agissant de faits juridiques, tout élément pourra être utilisé par le juge, qui devra rechercher par tous moyens quelles ont été les intentions du défunt au sujet de ses funérailles 33 ; de la lettre à la parole prononcée, du comportement au mode de vie 34 , en passant même par l’inaction ou la passivité 35 . Ce travail d’interprétation doit toujours être effectué au préalable par le juge. Ce n’est que si ce travail est sans résultat que le juge pourra renoncer à trouver une volonté et passer à la seconde étape. 26 - Second cas. – Le juge considère que la volonté du défunt est introu- vable et renonce alors à tout travail d’interprétation pour un travail de « dé- signation », parmi les proches parents ou amis 36 du défunt, de la personne la plus qualifiée pour organiser elle-même les funérailles 37 . Le juge formera son appréciation souveraine au regard de l’intensité et de l’intimité du lien qu’entretenait le défunt avec la personne concernée. Aucune règle légale ne lui imposerait de choisir en priorité un parent désigné. Il pourrait donc s’agir d’un descendant, d’un ascendant, du conjoint ou encore d’un ami étranger à la famille. La « dévolution sentimentale » 38 est alors le critère principal pour aider le juge dans son choix. REMARQUE En pratique, le juge accorde souvent une place privilégiée au conjoint qui lui assure assez souvent une primauté sur les ascendants ou les collatéraux du défunt, les litiges étant plus fréquents vis-à-vis des descendants, notamment des enfants d’un premier lit. 32 Qui a compétence en matière de contestations sur les conditions des funérailles, V. COJ, art. R. 211-3-3. 33 Cass. 1 re civ., 15 juin 2005, n° 05-15.839 : JurisData n° 2005-028933 ; Dr. famille 2005, comm. 193, note B. Beignier. 34 Pour décider l’inhumation en Polynésie française, le juge s’appuie sur l’intention du défunt qu’il déduit de « son mode de vie, de ses habitudes et de ses attaches avec un territoire et un lieu ». Cass. 1 re civ., 13 avr. 2016, n° 15-14.296 : JurisData n° 2016-007132 ; JCP N 2016, n° 19, act. 618. 35 Pour considérer que le souhait du défunt était d’être inhumé dans le respect de la tradition musulmane, le juge estime que s’il « n’était pas un pratiquant régulier, était de tradition musulmane, qu’il avait manifesté le vœu d’être inhumé, et que rien ne permettait d’affirmer qu’il eût entendu rompre tous liens avec cette tradition » ; Cass. 1 re civ., 15 juin 2005, n° 05-15.839 : JurisData n° 2005-028933 ; Dr. famille 2005, comm. 193, note B. Beignier. 36 V. par ex. Cass. 1 re civ., 27 mai 2009, n° 09-66.589 : Dr. famille 2009, comm. 94, note B. Beignier. 37 Travail qui a valeur d’attendu de principe, V. par ex. Cass 1 re civ., 30 avr. 2014, n° 13-18.951 : JurisData n° 2014-008550 ; « Mais, attendu qu’ayant exactement retenu qu’à défaut de toute expression de volonté démontrée du défunt quant à l’organisation de ses obsèques, il convenait de rechercher et désigner la personne la mieux qualifiée pour les organiser […] » ; JCP N 2014, n° 39, 1289, note D. Dutrieux ; Dr. famille 2014, comm. 117, note B. Beignier. 38 JCl. Notarial Formulaire, V° Sépulture, fasc. 10, par I. Corpart, n° 44. 39 Cass. 1 re civ., 2 févr. 2010, n° 10-11.295 : JurisData n° 2010-051487. 40 Rép. min. n° 15566 : JO Sénat 15 sept. 2016, p. 3942 ; Dr. famille 2016, comm. 249, obs. A. Gailliard. 41 Cass. 1 re civ., 30 avr. 2014, n° 13-18.951 : JurisData n° 2014-008550 ; JCP N 2014, n° 39, 1289, note D. Dutrieux ; Dr. famille 2014, comm. 117, note B. Beignier. 42 Ainsi, une lettre manuscrite à l’occasion d’une tentative de suicide : CA Paris, pôle 1, ch. 2, 20 juin 2018, n° 18/15155 : RJPF 2018-10/31, note I. Corpart. 27 - Liens de couple. – Cependant, en aucun cas le simple statut de conjoint ne liera le juge. Celui-ci doit toujours justifier son choix au regard des éléments de fait et après examen des éléments de preuve : ainsi, un juge désignant la veuve du défunt comme la plus qualifiée pour décider du sort des funérailles « compte tenu d’une vie commune de plus de trente ans et des liens affectifs, non remis en cause, ayant uni le couple » 39 . Longtemps, le sort du concubin a été plus incertain dans sa faculté à exercer le rôle d’organisateur des funérailles. D’ailleurs, le droit public tend encore à l’exclure de certaines opérations funéraires. En effet, une réponse ministérielle a récemment considéré que le concubin n’était pas un membre de la famille au sens de l’article L. 2213-14 du Code général des collectivités territoriales. Cet article prévoit que « Lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil s’effectuent sous la responsabilité de l’opérateur funéraire, en présence d’un membre de la famille » 40 . Mais concernant l’organisation des funérailles du défunt, le concubin a toute sa place, pourvu que le juge se convainque de la stabilité et de l’intimité des liens les unissant jadis. La logique est sensiblement la même pour le par- tenaire lié par un PACS. 28 - Liens de parenté. – Les ascendants du défunt seront parfois préférés aux conjoints, et notamment la mère ayant entretenu avec son fils « une relation affective forte et constante depuis la naissance » 41 . Concernant le mineur non émancipé décédé, les modalités de ses funé- railles relèvent de l’autorité parentale. Le juge devrait, en cas de désac- cord entre les parents, déterminer le parent le plus apte à organiser les funérailles conformément à la volonté de l’enfant, en ayant comme bous- sole l’intérêt de l’enfant, et en se réservant la possibilité de prendre en considération la volonté exprimée d’un mineur alors discernant, à l’aide de tout élément 42 . Mais, bien souvent, le juge devra recueillir le consentement des deux parents, car les actes décidés dans le cadre des funérailles, qu’il s’agisse de l’inhumation, la crémation, ou encore le lieu de la sépulture, ne semblent pas pouvoir être considérés comme des actes usuels pouvant relever de l’article 372-2 du Code civil. 29 - La désignation judiciaire d’un membre de la famille qui organisera les funérailles n’est pas étrangère à la volonté : désigner la personne la plus proche, n’est-ce pas en quelque sorte désigner celle à même de connaître ce qu’aurait souhaité le défunt ? Le désignataire aura alors, en quelque sorte, le rôle de présumer la volonté du défunt. En revanche, il n’est pas exact d’affirmer que le juge interprète une volonté présumée ; c’est juste-
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