Legs et donations 2022

- 25 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE 19 - Supports oraux, supports divers. – Outre le testament et le contrat, bien d’autres supports écrits existent ; l’imagination n’a aucune limite 21 ; lettres 22 , poésies, écrits divers. Plus délicate est la question des dernières volontés recensées à l’oral. Il faut ici distinguer les paroles à caractère public (chansons, enregistrements sonores, allocutions, discours) que l’on retrouve souvent chez les personnes célèbres 23 , des paroles prononcées dans un registre privé. En effet, le témoignage des dernières volontés se fait souvent au sein du cercle familial et intime. De tels témoignages peuvent assurément constituer des indices que le juge pourra apprécier, mais il utilisera souvent d’autres éléments pour interpréter la volonté du défunt 24 . 2. Les funérailles organisées en l’absence de dernières volontés 20 - L’indétermination des dernières volontés apparaît en cas de conflits ; le juge joue alors un rôle essentiel dans leur résolution. A. - Les conflits relatifs à l’organisation des funérailles 21 - Les familles se trouvent souvent en désaccord lors de l’organisation des funérailles du défunt : le défunt n’a pas exprimé de dernières volontés écrites, ou en a exprimé dans des circonstances qui divisent. Ainsi, le défunt exprimant à plusieurs membres de sa famille des vœux différents, à l’oral et à l’écrit, ou encore le défunt changeant d’avis dans le temps, par exemple. Face à ces conflits intrafamiliaux, le risque est grand d’une instrumentalisa- tion de la volonté du défunt pour nourrir des rancœurs enfouies. Pire encore, si la volonté du défunt n’a pas été préalablement respectée, les conséquences peuvent être graves : ainsi, une inhumation irrégulière pourrait conduire à l’exhumation prononcée par le juge. En effet, le Code général des collectivités territoriales donne à tout « proche parent de la personne défunte » (CGCT, art. R. 2213-40) la possibilité d’agir en demande d’exhumation si les conditions sont réunies. Cependant, l’exhumation à la demande d’un particulier ne peut être admise que pour des raisons de né- cessité absolue 25 , car elle contrevient au principe du respect dû aux morts, que la jurisprudence administrative exprime régulièrement à travers l’im- pératif selon lequel la paix des morts ne doit être heurtée par les divisions des vivants 26 . 22 - Premier conflit récurrent : le mode de sépulture. – Les Français ont le choix entre l’inhumation ou la crémation 27 . Cette liberté de choix est 21 V. à ce sujet M. Grimaldi, « Les dernières volontés », in Écrits en hommage à Gérard Cornu : PUF, 1994, p. 177 et s. 22 Cass. 1 re civ., 9 nov. 1982, n° 81-15.305 : JurisData n° 1982-702377 (lettre du fils à ses parents 3 ans avant sa mort et faisant état de son désir d’être inhumé au sein de son village natal). 23 Ainsi, le vœu de Jacques Brel chantant Les Marquises. 24 V. infra, 2., B. 25 Cass. 1 re civ., 8 juill. 1986, n° 85-12.725 : JurisData n° 1986-002896. 26 CA Amiens, 1 re ch., 1 re sect., 21 sept. 2006, n° 05/03969 : « le respect dû aux sépultures […] impose de considérer avec la plus grande circonspection les demandes d’exhumation, les querelles des vivants ne devant pas troubler le repos des morts ». – V. aussi CA Lyon, 1 re ch. civ., sect. B, 3 févr. 2015, n° 13/08724 : « la tranquillité du défunt ne pouvait être troublée qu’en cas de nécessité absolue ». 27 Une liberté éminemment politique, sur fond de lutte anticléricale ; V. E. Aubin et I. Savarit-Bourgeois, Cimetières, sites cinéraires et opérations funéraires : Berger Levrault, 8 e éd., 2015, p. 25, n° 14. 28 L. 15 nov. 1887 sur la liberté des funérailles, art. 3, al. 1 er . 29 L’interdiction de la crémation par l’Église catholique a été levée en 1963 par le Vatican, même si la préférence va à l’inhumation. La Congrégation pour la doctrine de la foi a publié une instruction en ce sens le 25 octobre 2016. V. N. Senèze, L’Église catholique précise les règles de la crémation : La Croix, 25 oct. 2016 (www.la-croix.com/Religion/Pape/LEglise-catholique-accueille-favorablement-cremation- defunts-2016-10-25-1200798662). 30 Sur cette loi, V. not. I. Corpart, Pour un nouvel ordre public funéraire : variations autour de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 : Dr. famille 2009, étude 15, p. 9 ; et notre contribution, « Le sort de l’urne cinéraire : enjeux anthropologiques et politiques. À propos de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire », in Éthique & Crémation, réflexions sur une liberté éclairée, (dir.) B. Py et P. Mayer : PUN, 2014, p. 69 et s. 31 Cass. 1 re civ., 31 mars 2016, n° 15-20.588 : JurisData n° 2016-005992 ; Dr. famille 2016, étude 16, obs. A. Gailliard. reconnue avec la loi de 1887, une loi au contexte éminemment politique, puisqu’en reconnaissant la liberté de régler les conditions de ses funérailles « notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture » 28 , c’est la liberté de ne pas avoir des funérailles catholiques qui est alors donnée, à une époque où la crémation était inter- dite par l’Église. Depuis, l’Église catholique affirme sa préférence pour l’in- humation tout en reconnaissant la possibilité de la crémation, à condition que les cendres soient conservées dans un lieu dédié, tel le cimetière 29 . Aujourd’hui, la crémation a trouvé toute sa place au sein des modes de sépultures et les Français sont de plus en plus nombreux à en faire le choix. La loi du 19 décembre 2018 relative à la législation funéraire 30 est venue consolider ce choix en précisant la destination des cendres après crémation (CGCT, art. L. 2223-18-1 à L. 2223-18-4) . Après l’incinération, les cendres sont recueillies dans une urne qui est d’abord conservée au crématorium dans l’attente d’une décision des familles. Puis les cendres pourront suivre deux destinations : la conservation dans l’urne cinéraire ou bien la dispersion en pleine nature, sauf sur les voies publiques. L’urne cinéraire sera soit inhumée dans une sépulture, soit déposée dans une case de columbarium, soit scellée sur un monument funéraire. Il existe donc deux conflits majeurs liés à la crémation. D’abord, concer- nant le choix même de la crémation : le défunt a-t-il vraiment souhaité l’incinération ? Le conjoint du défunt peut exprimer une volonté en ce sens alors que les parents s’y opposent, en s’appuyant sur le désir du défunt d’être inhumé dans le caveau familial. Ensuite, concernant la destination des cendres et le sort de l’urne : le défunt a-t-il exprimé son souhait d’une dispersion des cendres et fait part d’un lieu en particulier ? Ou bien sou- haitait-il que ses cendres « reposent » au cimetière ou dans un lieu dédié, auprès d’autres défunts de la famille ? 23 - Second conflit récurrent : le choix du lieu de sépulture pour l’in- humation. – Ainsi, le conjoint témoigne d’un souhait d’être inhumé dans une concession acquise pour le couple, au lieu du décès par exemple ; mais les enfants d’un premier lit font part d’un souhait de reposer au sein du caveau familial. Ces conflits prennent une ampleur plus grande encore lorsqu’ils ont un caractère transfrontalier : ainsi, ce poète russe inhumé dans le cimetière communal français, et pour lequel les neveux obtinrent de l’Administration une autorisation d’exhumation en vue du transfert du corps dans le village natal, en Russie 31 .

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