Legs et donations 2022
- 19 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE de maintien en vie, peut être mise en œuvre » , soit lorsque « le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements » , soit « lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable ». On le voit, cette seconde hypothèse a plutôt une vocation préventive, puisqu’il s’agit d’éviter au patient des souffrances à la fois très importantes et probables, compte tenu de l’évolution de son état. C’est celle qui fut la plus âprement débattue au parlement, dès lors qu’elle confère de facto au patient le soin de décider de son sort palliatif. Dans cette hypothèse, en effet, le pronostic vital n’est pas engagé à court terme par une affection grave et incurable, mais par la décision du patient de refuser le traitement. Dans sa recommandation de février 2018, la Haute Autorité de santé a pré- cisé que le court terme visait un pronostic vital engagé dans les heures ou les jours à venir 11 . Le respect de cette exigence est toutefois délicat en pratique dès lors que la détermination de l’espérance de vie du malade n’est, dans bien des cas, pas une science exacte. 2. L’expression anticipée des dernières volontés 14 - Deux situations doivent être ici nettement distinguées. Lorsque le pa- tient hors d’état d’exprimer sa volonté a rédigé des directives anticipées, celles-ci doivent, sauf exception, être suivies. En l’absence de directives, le médecin doit cependant faire son possible pour rechercher ce qu’aurait été la volonté du malade. A. - L’écrit du patient 15 - Caractère impératif des directives. – Les directives anticipées sont sans doute la manifestation la plus emblématique des dernières volontés du malade. La loi du 2 février 2016 a franchi un pas important en confé- rant à ces directives un caractère impératif, là où elles n’avaient qu’une portée consultative dans la loi antérieure 12 . La nouvelle version de l’ar- ticle L. 1111-11 du Code de la santé publique dispose sobrement, dans son troisième alinéa, que « les directives anticipées s’imposent au méde- cin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement » . Le changement de paradigme est profond. Jadis conçues comme un outil d’aide à la décision du médecin, les directives tendent à devenir l’instru- ment d’une décision anticipée du patient ! En présence de telles directives, le médecin ne serait alors plus l’auteur de la décision d’arrêt de traitement, mais un simple exécutant d’une décision prise en amont. Le propos doit immédiatement être nuancé, car le texte mentionne trois exceptions dans lesquelles le praticien est légitime à s’affranchir du contenu des directives : premièrement, le cas de l’ « urgence vitale pendant le temps nécessaire à 11 HAS, Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? : Guide du parcours de soins, févr. 2018, p. 13. 12 F. Dreifuss-Netter, Les directives anticipées : de l’autonomie de la volonté à l’autonomie de la personne : Gaz. Pal. 2006, p. 1693. 13 Y.-M. Doublet, La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie : LPA 18 mars 2016, n° 56. 14 P. Mistretta, De l’art de légiférer avec tact et mesure : JCP G 2016, doctr. 240. une évaluation complète de la situation » ; deuxièmement, « lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées » ; troisièmement, lors- qu’elles apparaissent « non conformes à la situation médicale ». Explicitant ces différentes exceptions, un auteur relève : « l’urgence vitale est destinée entre autres à faire échec à l’expression d’une volonté de suicide. Le caractère manifestement inapproprié renvoie à une motivation non médicale ne correspondant pas au besoin du patient. La situation médicale hors champ du cas traité peut faire référence par exemple à une rédaction désormais caduque, parce que le traitement en cause n’est pas celui visé dans les directives ou parce que leur auteur n’avait pas anticipé des circonstances qui auraient affecté sa décision » 13 . Autant dire que les réserves posées par le texte laissent une importante marge d’appréciation au médecin, car nombreuses seront les situations où toutes les circonstances n’auront pas été envisagées par la personne impliquée. C’est pourquoi la loi prévoit que le refus d’application des direc- tives par le professionnel ne peut intervenir qu’à l’issue d’une procédure collégiale (CSP, art. L. 1111-11, al. 4). Si les directives renforcent incontes- tablement la place conférée à la volonté du patient, il n’est pas certain que la prise de décision médicale s’en trouve facilitée. En présence d’un conflit familial, notamment, le contentieux pourrait se déplacer sur les caractères « manifestement inappropriés » ou « non conformes à la situation médicale » des directives 14 . Pour autant, l’auto- nomie du patient s’en trouve accrue, si l’on ajoute au caractère contrai- gnant des directives anticipées, la suppression de leur durée de validité, jusqu’alors de 3 ans, et l’élargissement de leur objet, puisque le texte dis- pose qu’elles « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’actes médicaux » (CSP, art. L. 1111- 11, al. 1 er ) . 16 - Modalités de rédaction des directives. – Le Code de la santé publique laisse à la personne la faculté de les rédiger « conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé » , ce modèle prévoyant « la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle les rédige » . Est également créé un registre national de conservation des directives anticipées faisant l’objet d’un traitement automatisé, censé faciliter l’accès des soignants aux directives, notamment en présence d’une urgence.Toujours dans le sens de l’autonomie, le texte prévoit enfin que la personne sous tutelle « peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion » . La rédaction de directives semble ainsi rejoindre la catégorie des actes « strictement personnels » au sens du Code civil (C. civ., art. 458, al. 1 er ) . Jadis conçues comme un outil d’aide à la décision dumédecin, les directives tendent à devenir l’instrument d’une décision anticipée du patient !
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