Legs et donations 2022

- 17 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2022 ÉTUDE FAMILLE 2 - Volonté actuelle et volonté anticipée du malade. – En outre, ces « dernières volontés » ne visent pas nécessairement et ex- clusivement une volonté exprimée de manière anticipée et par écrit pour le temps où la personne se- rait inconsciente. Certes, en droit de la santé, l’expression évoque en premier lieu le mécanisme des « directives anticipées », qui permettent au malade « d’expliquer ses souhaits concernant sa fin de vie, pour le cas où elle ne pourrait plus le faire elle-même » 3 . Toutefois, il faut également envisager l’hypothèse d’un patient conscient, qui demande l’interruption de ses traitements. Pensons au malade atteint d’un cancer en phase avancée, épuisé, qui refuse de poursuivre les séances de chimiothérapie engagées en accord avec le médecin. Les dernières volontés du malade peuvent donc être tantôt actuelles, tantôt anticipées selon que la personne est ou non en état de les exprimer au moment où les dernières décisions de soins sont envisagées. 3 - Volontés portant sur des soins curatifs ou palliatifs. – Le mot « soin » peut recouvrir plusieurs significations. Si, au sens strict, il vise les traitements médicaux ( cure ) ayant pour visée la guérison d’une ma- ladie, dans un sens plus large, il signifie « prendre soin » de la personne ( care ). Le droit médical distingue en particulier les soins curatifs des soins palliatifs. Ainsi, lorsque les traitements curatifs sont interrompus, l’équipe médicale est tenue d’accompagner le malade dans ses derniers instants et de soulager ses souffrances en mettant en œuvre les soins palliatifs (CSP, art. L. 1110-5-1, al. 3 ) . L’objectif des soignants est alors d’assurer au ma- lade, autant que possible, une fin de vie digne. Précisément, les dernières volontés exprimées par le patient peuvent viser tant les traitements curatifs que les modalités de soins palliatifs. Ce dernier peut refuser la poursuite des traitements (comme par exemple un refus de dialyse par une personne atteinte d’une insuffisance rénale sévère), demander une sédation, l’aug- mentation des doses d’antidouleur ou refuser d’être réanimé dans l’hypo- thèse où son état se dégraderait 4 . Au-delà des soins eux-mêmes, le patient peut demander, pour ses derniers instants, à être pris en charge à son domicile, à bénéficier de la présence de ses proches à l’hôpital, à écouter de la musique, à goûter un aliment ou porter un vêtement particulier. 4 - Dernières volontés au bénéfice du soignant. – Il convient d’exclure de notre champ d’étude la question toute particulière de l’incapacité de recevoir de certains professionnels de santé dans un contexte de « dernière maladie ». L’article 909 du Code civil empêche les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé ou les pharmaciens, « qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, de profiter des disposi- tions entre vifs ou testamentaires » , y compris de manière interposée, que la personne malade « aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie » . La sanction de l’acte passé en violation de cette règle est la 3 M.-F. Callu, M. Girer, G. Rousset, Dictionnaire de droit de la santé : LexisNexis, 2017. 4 Pour une illustration : CE, 10 e et 9 e ch. réunies, 28 nov. 2018, n° 424135 : JurisData n° 2018-021322 ; Procédures 2019, comm. 103, note S. Deygas. 5 Cass. 1 re civ., 15 janv. 2014, n° 12-22.950 : JurisData n° 2014-000236 ; jugeant que « l’assistance apportée [par le médecin] au défunt, en raison tant des liens affectifs anciens et profonds qui l’unissaient au malade que de sa compétence professionnelle, n’avait pas constitué un traitement médical » ; JCP N 2014, n° 43, 1313, note J. Massip ; Dr. famille 2014, comm. 44, note S. Torricelli-Chrifi. 6 CA Paris, pôle 3, ch. 1, 14 mai 2014, n° 13/11667 : JurisData n° 2014-010159. nullité. Les dernières volontés ne visent pas, dans ce cas, les soins eux-mêmes, mais bien à consentir une libéralité, portant sur tout ou partie du patrimoine de la per- sonne malade, au bénéfice du soi- gnant. L’une des conditions pour que cette interdiction s’applique est, il est vrai, que le professionnel ait dispensé des traitements médicaux, notion dont la Cour de cassation re- tient parfois une interprétation stricte 5 . De même, les professionnels du soin qui ne sont pas habilités à dispenser des traitements ne sont pas concer- nés. Ainsi d’une auxiliaire de vie, dont la capacité à recevoir au cours de la dernière maladie du testateur a été reconnue 6 . 5 - Portée des dernières volontés. – Si les évolutions législatives de ces vingt dernières années vont incontestablement dans le sens d’une promo- tion de l’autonomie des patients, y compris dans le champ de la fin de vie, des limites à la fois juridiques et pratiques doivent être relevées. Ain- si, le malade ne pourra pas être transporté à son domicile si son état ne le permet pas. Il ne peut demander à bénéficier d’une sédation profonde et continue que dans les cas prévus par la loi (CSP, art. L. 1110-5-2) . Il ne peut obtenir la mise en œuvre de soins qui ne seraient pas conformes aux connaissances médicales avérées (CSP, art. L. 1110-5) . Surtout, la loi française n’autorise pas l’aide active à mourir. Le médecin ne peut donc ré- pondre favorablement à la demande d’un patient souffrant qui souhaiterait recevoir une injection létale, quand bien même ce dernier serait condamné à bref délai par une maladie incurable. Il y aurait là un homicide volontaire au sens du droit pénal. Contrairement à certains droits étrangers, le droit français permet au médecin de laisser mourir le patient en l’accompagnant dignement vers une mort naturelle, non de le faire mourir. 6 - Connaissance et interprétation des dernières volontés. – Dans de nombreux cas, connaître la volonté du patient est une entreprise délicate, et ce, pour au moins deux raisons. D’une part, la majorité des patients hors d’état de s’exprimer et pour lesquels la question d’un arrêt des traitements se pose, n’ont pas rédigé de directives anticipées. Lorsqu’elles existent, ces directives peuvent en outre être rédigées en des termes flous ou très géné- raux, sans que les professionnels puissent aisément identifier les situations précises que le patient a voulu envisager. D’autre part, la communication avec le patient peut être rendue difficile par la maladie ou le handicap, soit parce que ces derniers entraînent une altération du discernement, sans l’abolir totalement (troubles cognitifs type Alzheimer), soit parce qu’ils li- mitent sa capacité à s’exprimer (maladie de Charcot, locked-in syndrome , cancer de la sphère ORL). 7 - Plan. – Parce qu’il s’agit là d’une distinction structurante des dispo- sitions légales relatives à la fin de vie, nous distinguerons les dernières volontés actuelles des dernières volontés anticipées. Contrairement à certains droits étrangers, le droit français permet aumédecin de laisser mourir le patient en l’accompagnant dignement vers unemort naturelle, non de le fairemourir

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