la revue fiscale du patrimoine
11 En dernier lieu, pour brosser un tableau complet du succès de ce produit, il faut également ajouter aux montants publiés par la FFA la collecte effectuée par les assureurs étrangers, majoritairement luxembourgeois, travaillant en libre prestation de services sur le marché français. Selon le Commissariat aux assurances luxembourgeois, les assureurs sous sa supervision collectent annuellement et structurellement auprès des Français entre 8 et 9 milliards d’euros mais très orientés vers les unités de compte qu’il convient donc d’ajouter à la collecte des assureurs français pour mesurer l’ampleur de l’at- tractivité de ce couteau suisse européen de l’épargne. Il est alors aisé aux gouvernements successifs de lorgner son encours en France de près de 1 800 milliards d’euros à fin 2019 pour devenir un instru- ment majeur des réformes destinées à soutenir la croissance qui s’établit à des niveaux voisins de ceux du rendement du fonds en euros. Mais avec quel produit agir ? L’assurance-vie constitue sûrement la meilleure réponse à ces interrogations, parée de ses atours traditionnels. Elle ne doit toutefois pas avoir pour voca- tion à tuer le plan épargne retraite (PER) pour les adeptes de psychologie patrimoniale mais au contraire venir en complémentarité de ce nouveau pro- duit créé par le législateur. À n’en pas douter, pour préparer la retraite des Français, assurance-vie et PER feront la paire ! C’est la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « Pacte » (L. n° 2019-486, 22 mai 2019) qui est à l’origine de ces évolutions. L’article 72 de cette loi traduit une mutation destinée à coller aux enjeux so- ciétaux en orientant les placements des épargnants selon les préoccupations des citoyens. Après avoir assuré la transmission (de patrimoine), l’assurance-vie devra réussir la transition (écologique et responsable) et donc la préservation de l’avoir et de l’être. En effet, l’assurance-vie devrait ne plus être seulement un produit d’épargne et de transmission de patrimoine comme il l’a été jusqu’à présent. Elle pour- rait tout à la fois contribuer à la croissance de l’économie française et devenir le levier privilégié pour le financement de la transition des modes de vie pour le bien-être des générations futures. Ainsi, préservation et transmission ne s’appliquent plus qu’au capital mais aussi à la planète et l’enveloppe assu- rance pourrait être le vecteur pour la protéger. 1. Une gamme d’unités de compte élargie Afin d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, le législateur a eu recours à la contrainte de l’offre (A) et a cédé à la demande du marché à la recherche de solutions alternatives aux fonds euros (B) . A. – La contrainte non contraignante des unités de compte sociétales : proposer n’est pas encore imposer Depuis le 1er janvier 2020, en application de l’article L. 131-1-2 nouveau du Code des assurances tout contrat d’assurance-vie en unités de compte devra proposer au moins une unité de compte constituée de valeurs mobilières, d’organismes de placement collectif ou d’actifs qui respectent au moins l’une des modalités suivantes : 1° être composés, pour une part comprise entre 5 % et 10 %, de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées ou par des sociétés de capital-risque ou par des fonds communs de placements à risque, sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires ; 2° avoir obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique selon des modalités définies par décret. Dans le cadre de la discussion de la loi Pacte précitée, par voie d’amende- ment, le législateur a été incité à aller plus loin en vue de la création, sans perte de l’antériorité fiscale, d’une nouvelle catégorie de contrats d’assu- rance-vie individuelle et de contrats de capitalisation portant majoritairement des investissements en unités de compte orientés vers la transition énergé- tique avec un minimum 25 % et vers l’investissement socialement respon- sable avec un minimum 50 %. Le projet de contrat dénommé In Globo n’a finalement pas vu le jour ; 3° avoir obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant aux critères d’inves- tissement socialement responsable selon des modalités définies par décret. Les contrats conclus à compter du 1er janvier 2022 devront faire référence à des unités de compte respectant les trois modalités ci-dessus. Si l’on constate une tendance certaine vers un fléchage de l’assurance-vie vers des produits solidaires, verts et ISR, le législateur s’est pour le moment conten- té d’imposer ces contraintes aux seuls assureurs et non aux épargnants. Dans les années à venir, il sera intéressant d’observer si les citoyens accep- teront de modifier leurs modes d’investissement afin de privilégier leurs senti- ments certains aux rendements par nature aléatoires. Un défi majeur lancé par le législateur lorsque l’on observe le résultat négatif à 78 % d’une consultation récente lancée par le site en ligne du magazine Le Point demandant si l’on se sent le devoir d’investir dans des produits financiers responsables. B. – L’incitation renforcée au private equity Cette notion n’étant pas réglementée, il est possible de définir le private equity ou capital investissement comme une forme privée d’investissement dans des entreprises, généralement non cotées, souhaitant financer leur développement par un apport de capitaux privés, non accessible au public. L’ouverture de l’assurance-vie aux fonds de private equity ne date pas de la loi Pacte. Elle est bien plus ancienne. Pour autant, c’est cette dernière loi qui en a permis d’élargir l’univers d’investissement et démocratiser cette classe d’actifs au sein d’un contrat d’assurance-vie. Pris en application de l’article 72 de la loi Pacte précitée, le décret n° 2019- 1172 du 14 novembre 2019 favorisant l’investissement dans l’économie par la diffusion du capital investissement complète la liste des instruments financiers éligibles aux contrats d’assurance-vie et modifie les plafonds applicables à la détention de certains instruments de capital investissement afin de promou- voir leur diffusion et d’orienter davantage l’épargne vers le financement des entreprises.
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