la revue fiscale du patrimoine

75 B. - De nouveaux outils pour exprimer son vote et transmettre progressivement le pouvoir 53. - La bonne information et la bonne formation, si elles sont nécessaires, ne suffisent pas à rendre confortable la situation de l’associé familial. Ce- lui-ci doit se sentir également à l’aise lorsqu’il exprime sa décision ou qu’il envisage de transmettre son capital à ses enfants. La réalité des familles ne s’accommode pas toujours bien avec des schémas juridiques trop contraints et le sur-mesure est généralement la condition du bien-être des associés. À cet égard, les lois Mohamed Soihili et Pacte ouvrent des perspectives intéres- santes, la première proposant une troisième voie pour exprimer son point de vue lors de la prise des décisions collectives, la seconde en facilitant la trans- mission sur mesure du droit de vote. Enfin, il sera rappelé que la SAS offre des perspectives intéressantes pour organiser la transmission du pouvoir au sein des entreprises familiales. 1° L'abstention : une troisième voie pour exprimer son point de vue 54. - Avant la loi Mohamed-Soilihi. - Préalablement à l’entrée en vi- gueur Note15 de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clari- fication et d’actualisation du droit des sociétés (dite « loi Mohamed Soilihi »), les abstentions et les votes blancs ou nuls étaient comptabilisés en votes défavorables à l'adoption de la résolution en question, ou (plus simplement) comme des votes contre. 55. - Depuis la loi Mohamed-Soilihi. - Depuis cette loi, pour les S A et SCA Note 16 , les nouvelles règles de comptabilisation des voix en assemblée géné- rale Note 17 (ordinaire et extraordinaire), au travers de l’introduction de la notion de « voix exprimées » Note 18 (pour ou contre) et de la non prise en compte des abstentions, votes blancs ou nuls pour le calcul des majorités. 56. - Portée. - Indéniablement, les nouvelles dispositions Note 19 permettent d’atteindre plus aisément la majorité requise pour l’adoption des résolu- tions en assemblées générales. 57. - Cas particulier des SAS. - Pour les SAS, structure sociétaire largement utilisée par les entreprises familiales, mais non concernée par la réforme Note 20 , se pose la question de l’opportunité d’adopter statutairement, si ce n’était déjà fait, la solution nouvelle, en faisant usage de la liberté d’organisation Note 21 dont elle bénéfice, également, sur les sujets de détermination de la majorité et de la comptabilisation des votes. 58. - Ouverture d’une troisième voie. - Arbitrer en ce sens, c’est accepter que l’abstention, en tant que vote « non exprimé », se démarque Note 22 tant du vote négatif (rejet) Note 23 que du vote positif (adhésion) Note 24 . Les causes d’une abstention sont multiples : une non-adhésion d’une moindre importance que le rejet du vote contre ; une insatisfaction ; la marque d’une information in- complète ou plus généralement d’une mauvaise compréhension ou appré- hension de la question soumise au vote... C’est ainsi accepter la consécration pleine et entière d’une troisième voie Note 25 , qui peut s’apparenter à une forme de neutralité, entre adhésion et rejet, entre fidélité et rupture. 59. - Domaine. - Si formellement la réforme s’applique aux SA (C. com., art. L. 225-96 et L. 225-98) et par renvoi aux SCA (C. com., art. 226-1, al. 2) , à l’exclusion des SAS (hors certains cas tel celui des SAS ayant émis des titres par recours au crowdfunding , l’article L. 227-2-1 du Code de commerce rendant dans ce cas précis les articles L. 225-96 à L. 225-98 applicables), rien n’interdit évidemment d’en étendre le champ à ces dernières par voie statutaire. C’est dire que les enjeux du nouveau dispositif sont très étendus, pour qui sait s’en saisir. Note 15 Publiée au JO du 20 juillet 2019, la loi est entrée en vigueur, sauf dispositions contraires spécifiques, le lendemain, soit le 21 juillet 2019. L'article 16, II de la loi précise que les nouvelles dispositions sont applicables « à compter desassemblées générales réunies pour statuer sur le premier exercice clos aprèsla promulgation de la présente loi ». Si la question s'est posée de l'application des règles nouvelles pour les autres assemblées (extraordinaires ou ordinaires, autres que celle de l'approbation de comptes), en pratique, à la date de la publication du présent article, ces règles s'imposent à toutes les assemblées d'associés des sociétés concernées. Note 16 Sociétés concernées par ces dispositions : SA (C. com., art. L. 225-96 et L. 225-98) et par renvoi aux SCA (C. com., art. 226-1, al. 2), à l'exclusion des SAS (hors certains cas tel celui des SAS ayant émis des titres par recours au crowdfunding, l'article L. 227-2-1 du Code de commerce rendant dans ce cas précis les articles L. 225-96 à L. 225-98 applicables). Note 17 Article L. 225-96, alinéa 3 du Code de commerce (extraordinaire) et L. 225-98, alinéa 3 (ordinaire). L'article L. 225-107, I, alinéa 2 du Code de commerce, relatif aux formulaires de vote par correspondance, a été également modifié pour tenir compte de la réforme (ce qui n'est pas le cas, à date, de l'article règlementaire d'application – V. C. com., art. R. 225-76). Note 18 L'Assemblée « statue à la majorité... des voix exprimées par les associés présents ou représentés. Les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux actions pour lesquelles l'associé n'a pas pris part au vote, s'est abstenu ou a voté blanc ou nul ». Note 19 Pour une étude des reformes de 2019 (loi Pacte et loi Soilihi) relative au droit de vote : V. A. Couret, Les destinées du droit de vote dans les reformes 2019 du droit des sociétés : JCPE 2019, 1501. Note 20 Sauf pour les SAS dont les statuts renvoient au régime légal du vote en assemblées générales de SA et pour les SAS ayant émis des titres par voie de crowdfunding (C. com., art. L. 227-2-1). Note 21 Citons l'alinéa 1 de l'article L. 227-9 du Code de commerce : « Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient ». Note 22 V. C. Coupet : BJS oct. 2019 et not. p. 42. – V. sur la responsabilité de l'abstentionniste : A. Delhaye et B. Dondero, Droit de vote de l'associé : l'abstention et ses implications : Option fin. mars 2019. Note 23 « Choisir, c'est...rejeter celui que tu es, pour celui que tu pourrais être. C'est l'esprit d'aventure », P. Lacour in Fragments d'un journal, 1950. Note 24 « Puisque je ne suis pas capable de choisir, je prends le choix d'autrui », M. de Montaigne in Les essais II, 12 Note 25 R. Mortier, Loi Soilihi : saisir les opportunités nouvelles : Actes prat. ing. sociétaire 2019, n° 168, idée nouvelle 6, not. p. 3.

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