la revue fiscale du patrimoine

ENTREPRISE FAMILIALE 72 3° Au-delà de l’information : quels besoins en formation pour les as- sociés ? 46. - La diversité des associés : une chance. - La diversité des associés familiaux doit être vécue comme une chance pour les entreprises familiales. Diversité de profils, de générations, d’aspirations, de compétences ou de rôles joués en tant qu’associé : certains seront des simples associés, d’autres seront également collaborateurs dans l’entreprise, d’autres encore seront aussi administrateurs et quelques-uns, enfin seront dirigeants. Cependant tous peuvent (et doivent) être de bons associés familiaux. 47. - Aides à la formation des associés. - Mais être un bon associé familial n’est pas inné ! Cette diversité d’associés devient une chance à partir du mo- ment où chacun est mis en situation de jouer son rôle au sein de l’aventure familiale. La responsabilité de la gouvernance familiale est aussi de s’inter- roger sur la manière dont les associés doivent être accompagnés, aidés sur ce chemin. Une des voies de cet accompagnement consiste à proposer aux membres de la famille de se former, que ce soit sur des aspects techniques (juridique, fiscale, financière, gouvernance), humains (sur la dynamique collective par exemple, ou sur l’ affectio societatis ) ou métiers (pour entrer « mieux » au contact de l’entreprise familiale) ou encore de manière ponc- tuelle en fonction des projets et de besoins spécifiques (avec par exemple le sujet de la responsabilité sociétale qui peut nécessiter une mise à jour collective). 48. - Question. - Toutes ces dimensions pourraient se résumer en une ques- tion : la famille dispose-t-elle des bonnes compétences, au bon moment, pour mener à bien son projet ? 49. - Timing de la formation. - Au fil des évolutions familiales et avec les passages de génération, l’actionnariat s’élargit et certains peuvent se sentir : - moins proches de l’entreprise ; - écrasés par le poids du passé, poids du succès ; - ou encore considérés comme n’étant pas à la hauteur ou au contraire trop sûr d’eux. Cela peut se traduire d’une part par une perception tardive des enjeux de l’entreprise familiale. D’autre part, ces évolutions peuvent faire émerger des talents et des personnalités que l’organisation actionnariale ne sait pas bien intégrer à la dynamique collective. Dans ce contexte, il est important de pré- parer l’avenir et la relève : certains associés arriveront aux responsabilités dans le futur, il faut créer le contexte pour que cela soit possible lorsque ce sera souhaité ou nécessaire. Il est enfin primordial d’avoir « à tout moment » un actionnariat soudé et compétent, un actionnariat qui se comporte comme un socle porteur du projet d’entreprise, c’est-à-dire un collectif de personnes qui se connaissent et parlent un même langage afin d’être en situation de collaborer et de décider ensemble lorsqu’une question se pose à elles. 50. - Caractère permanent de la formation. - La question de la formation est donc permanente, afin de bénéficier des apports de tous les associés, chacun à son niveau, au bénéfice du projet collectif : - sur le business model et/ou mode de gouvernance, et la capacité de la famille à se remettre en question pour rester au fait des dernières avancées ou nouveaux enjeux ; - sur un monde qui évolue très vite, ce que les jeunes générations ou associés moins directement impliqués perçoivent souvent avec plus d’aisance. 51. - Comment bâtir une formation « continue » à destination des as- sociés familiaux ?. - Il convient de raisonner par grands besoins, en allant de la sensibilisation à l’information à la « vraie » formation, en fonction des objectifs poursuivis avec les populations concernées. Pour les plus jeunes plexité de l’acte, avec les mots et les aides appropriés. Dans ce sens, les méthodes de communication alternatives, de type FALC ou legal design à l'égard d'un associé familial, pour lui permettre de mieux comprendre les enjeux et les décisions communes à prendre, peuvent être des outils per- tinents. Il faudra les rendre clairs et accessibles, y compris pour les juges. S’agissant de la production d’un certificat médical attestant que la per- sonne est en pleine possession de ses moyens, tout dépendra des autres éléments produits à l’appui de l’acte passé et, de ce point de vue, explici- ter clairement le processus de recueil du consentement, au cas par cas, constituera sans doute le socle indispensable à la sécurisation de l’acte. 2. Comment gérer au mieux les situations « tangentes », dans les- quelles la personne est apparemment capable de comprendre ? La « zone grise », celle de l’entre-deux, est fréquente et complexe. Elle suppose d’abord et avant tout de prendre du temps pour savoir quoi faire quand la personne paraît ne plus avoir toutes ses facultés de discernement et de jugement. Dans certains cas, il faudra tout simplement renoncer à signer un acte avec elle. Mais le risque le plus important est toujours de ne pas déceler la fragilité, la vulnérabilité latente ou réelle de la personne qui peut fragiliser l’acte et, si une mesure de protection est mise en œuvre, ouvrir le droit d’agir en nullité contre les décisions prises dans la période de deux ans précédant cette mise en œuvre. Cette vulnérabilité peut éga- lement être invoquée plus tard, notamment au moment de la succession et entraîner alors la remise en cause des décisions prises, des investisse- ments réalisés... La première précaution à prendre est sans doute d’analyser les demandes de la personne au regard des informations qui lui sont transmises sur l’acte envisagé avec elle, selon la démarche exposée en point 1 pour rechercher systématiquement si le consentement est stable ou non. Il est en outre indispensable d’avoir à l’esprit que la personne doit être en capacité de comprendre, de discerner et d’utiliser les informations qui lui sont don- nées pour prendre sa décision. Mais, une personne peut très bien ne plus avoir les capacités d’attention ou de concentration nécessaires pour suivre de longues explications, tout en ayant une compréhension partielle de sa situation et des options ouvertes. Il peut donc être utile, surtout, dans les processus familiaux, de recourir à l’aide d’un tiers et/ou de techniques per- mettant une meilleure compréhension et, en conséquence, une meilleure expression de la volonté. Le législateur français ne s’est pas prononcé sur la conduite à tenir lors- qu’une personne ne paraît pas en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause ou d’exprimer valablement sa volonté. Est-ce à lui de le faire ou sont-ce les pratiques qui doivent évoluer, en n’oubliant jamais que la recherche du consentement éclairé et personnel est toujours une protection pour la personne elle-même ? Des réflexions sont actuellement en cours, notamment autour de la pré- paration de la loi Autonomie-Grand âge. Le Mental Capacity Act, voté en Angleterre et au Pays-de-Galles en 2005, pourrait nous aider à avancer encore, pour peu qu’une réelle volonté politique de considérer ces sujets si délicats, mais si essentiels dans le quotidien, se concrétise vraiment. Mathilde DUBOIS avocat associé Fidal, direction technique droit des sociétés

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