la revue fiscale du patrimoine
14 ASSURANCE-VIE L’éventualité du prédécès de la personne désignée en qualité d’usufruitier d’une garantie démembrée doit absolument être anticipée dans la clause bénéficiaire. À défaut, la garantie de- vrait être versée en principe, selon l’auteur de l’étude, à la suc- cession de l’assuré. La clause doit être précise sur l’identification des bénéficiaires de la garantie et s’inscrire dans la stratégie que le démembre- ment de la garantie permettait de réaliser. 1. - Rédiger une clause bénéficiaire complexe exige de son auteur une grande précision, car celle-ci a vocation à s’appliquer au décès de l’assuré, c’est- à-dire à un moment où, en cas de contestation, le souscripteur n’a plus la possibilité d’exprimer le sens de sa volonté initiale. De sorte que, dans bien des cas, la lettre du texte est le seul élément permet- tant de rechercher la volonté du stipulant. Or, de nombreuses difficultés d’interprétation peuvent retarder la délivrance de la garantie, en raison d’un défaut de rédaction de la clause. 2. - Certaines sont communes à toutes les clauses bénéficiaires : l’identité du bénéficiaire peut par exemple n’être pas suffisamment précise, en particulier en cas de renvoi à une qualité dont l’existence ne peut pas être établie par un acte officiel Note 1 . Ou encore la rédaction du texte peut ne pas envisager précisément certains événements pourtant prévisibles, tel que par exemple le divorce du conjoint bénéficiaire, se contentant de formules trop générales. D’autres, en revanche, sont propres à un type particulier de clauses. Ainsi, la clause bénéficiaire démembrée suppose des indications claires quant aux droits respectifs du ou des usufruitiers et nus-propriétaires. 3. - Au-delà de ces éléments essentiels, la sécurisation juridique de la clause bénéficiaire démembrée Note 2 suppose également de prêter une particulière at- tention au risque de prédécès de l’un ou l’autre des bénéficiaires des droits démembrés. Car la structure même de la désignation bénéficiaire soulève une difficulté par- ticulière. Dans une clause simple, attribuant à une ou plusieurs personnes des droits en pleine propriété, le prédécès du ou d’un bénéficiaire a un effet simple : il fait disparaître son droit. En l’absence de clause d’accroissement ou de bénéficiaire subséquent, la garantie, au décès de l’assuré, tombe dans sa succession ou si l’assuré n’est pas le souscripteur, sa valeur est délivrée entre les mains de ce dernier Note 3 . En revanche, si la clause bénéficiaire est hiérarchisée, la garantie est acquise par le bénéficiaire vivant de rang préférable qui accepte. La situation est donc, dans ce type de clause, très facile à anticiper, et une stipulation telle qu’« à défaut mes héritiers », peut suffire Note 4 . 4. - Pour une clause démembrée, la situation est par nature plus complexe. En effet, le souscripteur a désigné en premier rang une pluralité de personnes exerçant des droits complémentaires sur la garantie, afin d’organiser une transmission successive de la valeur. De sorte que la question à se poser est la suivante : la désignation princi- pale est-elle pensée comme une stipulation indivisible liant le sort des bé- néficiaires entre eux, ou faut-il la considérer comme une désignation plu- rale, chaque personne désignée disposant d’un droit autonome de celui des autres ? 5. - De prime abord, la question peut paraître sans importance pratique. En effet, comme nous le verrons plus loin, il est fréquent de recommander l’ins- cription dans la clause de l’indication selon laquelle la garantie est, en cas de prédécès de l’usufruitier, attribuée en pleine propriété aux personnes dési- gnées en qualité de nus-propriétaires. Par l’effet de cette stipulation, le prédécès de l’ascendant usufruitier permet- tra par exemple aux enfants de recevoir la garantie en pleine propriété Note 5 . NDLR : article publié in La Semaine Juridique Notariale et Immobilière, 2020, n°30, 1163 Note 1 La désignation du concubin peut ainsi soulever des difficultés importantes en pratique. Note 2 V. sur ce point M. Leroy, Sécurisation juridique de la clause bénéficiaire démembrée : JCP N 2014, n° 45-46, 1324. Note 3 Par application de C. assur., art. L. 132-11. Note 4 Une telle clause est parfois recommandée par la doctrine. V. sur ce point, pour une désignation principale du conjoint, J. Aulagnier, Nouvelle clause type : « mon conjoint, à défaut mes héritiers » : www.aurep. com/newsletters/nouvelle-clause-type-mon-conjoint-a-defaut-mes-heritiers-contourner-les-reticences-des-assureurs-aux-clauses-a-option-9-juillet-2014/. Avec cette réserve cependant que la notion d’héritiers mériterait sans doute de plus importantes précisions. - V. sur ce point, M. Leroy, P. Lavielle, Sécuriser la rédaction des clauses usuelles : JCP N 2016, n° 39, 1287. Note 5 Par ex., clause bénéficiaire démembrée : mise en œuvre pratique et recommandations aux assureurs, www.aurep.com/newsletters/clause-beneficiaire-demembree-mise-en-oeuvre-pratique-et- recommandations-aux-assureurs/. Clause bénéficiaire démembrée et prédécès de l’usufruitier Étude et formules rédigées par Michel Leroy, maître de conférences, responsable Master II Ingénierie du Patrimoine, université Toulouse I Capitole © Droits réservés
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