la revue fiscale du patrimoine

12 ASSURANCE-VIE Ouvrir au plus grand nombre les souscriptions dans des actifs aux rende- ments plus incertains traduit un pari risqué qui ne manque pas d’air mais l’oxygène apporté par le fonds euro se raréfiant il fallait élargir la fenêtre des unités de compte éligibles. Le décret établit la liste des fonds ouverts à des investisseurs profession- nels pouvant être éligibles aux supports en unités de compte distribués dans l’assurance-vie, ainsi que les conditions dans lesquelles les assurés peuvent orienter leur épargne vers ces fonds. Désormais, les souscripteurs avertis i.e. ceux possédant l’expérience, les connaissances et la compétence né- cessaires pour prendre leurs propres décisions d’investissement et évaluer correctement les risques encourus et ceux consacrant une prime supérieure à 100 000 euros pourront consacrer jusqu’à 50 % de l’encours de leur contrat dans ces supports. Les autres souscripteurs devront se contenter de 10 % (C. assur., art. R. 131-1-2 nouveau). Si le présent est marqué par le paradigme disruptif de la fin annoncée du fonds euro, seul l’avenir permettra d’affirmer si les paris fléchés du législa- teur qu’ils soient solidaires, verts, ISR ou financiers atteindront leurs cibles. Beaucoup de pédagogie devra être faite mais orienter vers plus d’actifs à rendements avec notamment l’allongement de l’espérance de vie qui modifie l’horizon de placement ne devrait pas être compliqué à argumenter ; la seule interrogation réside plutôt dans le timing de basculement des épargnants. 2. Se donner les moyens de ses ambitions Le régulateur n’est pas absent de cette stratégie globale de réorientation. D’ailleurs, il vient lui même avec l’arrêté du 28 décembre 2019 de permettre aux assureurs de reprendre leur respiration pour soulager leur ratio de sol- vabilité. Le législateur n’est pas en reste. Pour permettre de remplir les objectifs d’orientation de l’épargne vers des titres à liquidité réduite, il a été contraint d’adapter le mécanisme du contrat d’assurance-vie tant à l’entrée (A) qu’à la sortie en cas de rachat par le souscripteur ou de décès de l’assuré (B) . A. – Restreindre le paiement de la prime en numéraire... Alors que la gamme des unités de compte sous-jacentes à un contrat d’as- surance-vie a été élargie, le législateur a, dans le même temps, restreint les modalités de paiement de la prime du contrat. Auparavant, le dispositif législatif ne faisait pas mention de cette possibilité de paiement de la prime, ni de son interdiction. Désormais, il est expressément précisé que le paiement de la prime ne peut s’effectuer qu’en numéraire ( C. assur., art. L. 113-3, al. 1 mod. ). Loin des réalités concrètes des épargnants et des professionnels de la ges- tion de patrimoine, cette mesure a été justifiée (exposé des motifs) comme visant à empêcher les résidents français de placer leurs propres titres de sociétés dans des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger. Cette mo- tivation orientée (on pourrait même dire fléchée...) traduit ici un juridisme national que d’aucuns considèrent comme peu soluble dans la libre presta- tion de services. D’ailleurs, cette restriction destinée à lutter contre la souplesse réglementaire à laquelle les assureurs luxembourgeois sont soumis pourrait être mise à mal par la jurisprudence du juge judiciaire français qui avait déjà statué sur ce point en jugeant qu’aucune disposition légale d’intérêt général ne prohibe la distribution en France par un assureur étranger de contrats d’assurance-vie qui sont régis par la loi française mais dont les caractéristiques techniques et financières relèvent du droit de l’État du siège de l’assureur (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-13.606). Les débats ne sont donc pas clos sur ce sujet sensible. B. – mais permettre le paiement du rachat ou des capitaux décès en titres Au contraire de son concurrent le PER notamment, l’assurance-vie dispose de l’avantage conséquent de la liquidité de l’épargne. Bien que le contrat d’as- surance-vie soit un placement de long terme, le souscripteur a pris l’habitude de mobiliser à tout moment son épargne sans devoir s’en justifier auprès de l’assureur sur qui pèse la contrainte de liquidité. Afin de permettre au souscripteur d’investir dans certaines catégories de titres, il a fallu mettre un terme à ce paradoxe et éviter de faire toujours porter à l’assureur le risque de liquidité de ces placements. C’est donc le souscrip- teur qui le supportera. Et comme le dernier aléa réside dans le dénouement du contrat par décès, il a également fallu réussir à contraindre le bénéficiaire – parfois né ou à naître – en permettant à l’assureur de remettre au souscrip- teur ou au bénéficiaire des titres et non du numéraire. Cet encadrement a été inséré à l’article L. 131-1 du Code des assurances. Dans sa version modifiée en vigueur à ce jour, la loi effectue une distinction basée sur la cotation ou non des titres pouvant être investis dans un contrat d’assurance-vie. Elle vise d’abord les titres cotés en disposant que le souscripteur, en cas de rachat, ou le bénéficiaire, en cas de décès de l’assuré, peut opter pour la remise de titres ou de parts lorsque ceux-ci sont négociés sur un marché réglementé, à l’exception des titres ou des parts qui confèrent directement le droit de vote à l’assemblée générale des actionnaires d’une société inscrite à la cote officielle d’une bourse de valeurs. De manière complémentaire, elle vise également les titres non cotés. Le souscripteur peut opter irrévocablement à tout moment, avec l’accord de l’assureur, pour la remise de titres ou de parts non négociés sur un marché réglementé, notamment de parts de fonds communs de placement à risques ou non négociables, au moment du rachat des engagements exprimés en unités de compte d’un contrat. Dans ce cas, cette option est réputée s’appli- quer aussi au bénéficiaire, sauf mention expresse contraire. Un bénéficiaire désigné par le contrat peut également opter irrévocablement pour la remise de tels titres ou parts en cas d’exercice de la clause bénéfi- ciaire. L’exercice de cette option par le bénéficiaire n’entraîne pas acceptation du bénéfice du contrat, au sens de l’article L. 132-9 du Code des assurances. Le législateur a souhaité insérer une clause anti-abus qui va se traduire concrètement par l’existence d’un pacte de famille multi générationnel et multi branches. En effet, le paiement en titres ou en parts non négociables ou non négociés sur un marché réglementé ne peut s’opérer qu’avec des titres ou des parts

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