la semaine juridique notariale et immobilière
1003 ÉTUDE AFFAIRES Page 60 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 messe unilatérale de vente, qui plus est, comme tel a été le cas dans l’affaire soumise à la cour de Paris, pendant le cours du délai d’un mois imparti au locataire pour prendre position ? 24 - L’arrêt rendu par la Cour de cassation, le 13 octobre 2016 24 , intervenu à propos de l’article 10-I de la loi du 31 dé- cembre 1975 concernant le droit de préemption du locataire mérite, à nouveau, l’attention. Ce texte a une rédaction plus claire, mais similaire à celle de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. Il exige sans ambiguïté aucune, que la notification adressée au locataire pour lui permettre d’exercer son droit de préemption doit être « préalable à la conclusion de toute vente ». La Cour de cassation en a déduit qu’il était interdit au bailleur de conclure une promesse de vente avant que le droit de préemption du locataire soit purgé 25 . 3. En conclusion, la nécessaire prudence… 25 - Au vu de ces précédents jurisprudentiels, on peut raison- nablement penser que la Cour de cassation ne devrait guère hésiter, si un pourvoi est formé, à maintenir sa jurisprudence. L’article 4 du Code civil fait obligation au juge de trancher le litige nonobstant le silence, l’obscurité ou l’insuffisance de la loi. Que la cour d’appel de Paris, face à la relative obscu- rité de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, ait tenté d’offrir un guide-âne aux praticiens pour l’application du droit de préférence ne saurait être critiquable dans son prin- cipe. Ce qui l’est, c’est d’avoir ignoré dans l’élaboration de ses directives la nature d’ordre public de l’article en cause et la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2018 notam- ment. L’article L. 145-46-1 du Code de commerce va voir son sens se préciser au fur et à mesure que la Cour de cassation va « l’écrire ». Ce qui est déjà établi par l’arrêt de principe du 17 mai 2018, affirmant la nature impérative de la disposition, n’est peut-être pas gravé dans le marbre car il ne s’agit que d’un arrêt de rejet, mais, d’une part, la nature du principe énoncé dans un arrêt ne tient pas à sa concomitance avec une cassation ; d’autre part, la Cour, dans cet arrêt, a déjà engagé l’affinement du texte en ajoutant l’adverbe « préalablement ». Lorsque l’on sait le soin apporté par la troisième chambre à 24 Cass. 3 e civ., 13 oct. 2016, n° 15-21.238, F-D : JurisData n° 2016- 022200. – J. Lafond, Droit de priorité du locataire « commercial » : des pratiques condamnées… : JCP N 2018, n° 39, 1291. – N. Damas, Le droit de préférence du locataire commercial, Coll. ABCL, Nancy 6 déc. 2019 : Loyers et copr. 2020, dossier 14. 25 Devant le TGI de Paris, la locataire avait insisté sur « la déloyauté » du bailleur dans la mise en œuvre de son droit de préférence et rap- pelé la jurisprudence rendue à propos du droit de préférence prévue au profit du locataire de bail d’habitation. L’absence de réponse du tribunal vaut défaut de réponse aux conclusions. V. N. Damas, préc., spéc. n° 19 à 22. l’écriture de ses arrêts, il est permis de penser qu’elle précise la pensée du législateur. 26 - Quoi qu’il en soit, sans vouloir augurer de la suite d’un éventuel pourvoi, la prudence commande aux contractants et à leurs conseils, pour éviter tout risque de contentieux, d’opé- rer un tri parmi les « démarches » susceptibles d’être entre- prises par le bailleur avant de procéder à la vente de son bien et de considérer qu’il n’est pas possible d’établir un acte de vente avant que ne soit purgé le droit de préférence du loca- taire. La lecture de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce par la Cour de cassation, dans le sens qui ressort sinon de son écriture maladroite, du moins de l’esprit dans lequel il a été adopté, participe à la stabilité du droit du bail commercial qui, faut-il le rappeler, a été depuis 1926 écrit en faveur du locataire. Il ne fait aucun doute que peuvent être considérées régu- lières, avant « d’envisager la vente » et de mettre en œuvre la procédure d’information du locataire afin qu’il décide ou non d’exercer la prérogative que lui confère la loi, toutes les initiatives permettant au bailleur de rechercher le prix auquel il peut proposer la vente de l’immeuble ou du local à son locataire : à savoir, la recherche d’avis de valeur auprès de professionnels de l’immobilier (notaire, agent immobilier, experts…), ce qui suppose des visites de l’immeuble. CONSEIL PRATIQUE ➜ En revanche, doivent être précédés d’une noti- fication au locataire en vue de l’exercice de son droit de préférence, les faits et actes par lesquels le bailleur enclenche le processus de mise en vente de l’immeuble : publication d’annonces, mandat donné à un ou plusieurs agents immobiliers 26 , conclusion d’un avant-contrat, qu’il s’agisse d’une promesse unilatérale ou synallagma- tique, même sous condition suspensive du non-exercice du droit de préemption par le locataire 27 . C’est en ce sens que la Cour de cassation a ajouté au texte de l’ar- ticle L. 145-46-1 le mot « préalablement ». 27 - Même si on peut penser qu’il eût été plus simple d’établir un droit de préemption plutôt qu’un droit de préférence 28 , ce n’est pas ce que le législateur a voulu ; ce n’est pas ce que la Cour de cassation a exprimé en 2018. Il semble difficile qu’elle modifie son choix. ■ 26 Contrat, avec des nuances, B. Raclet et O. Gianetti, Le droit de préfé- rence du locataire commerçant : Ann. loyers 2020, p. 30. 27 En ce sens, N. Damas, Le droit de préférence du locataire commercial : Loyers et copr. 2020, dossier 14. – Contra : G. Allard-Kohn, Le droit de préférence du locataire commercial : RJDA 2020, p. 77, n° 17, étude. 28 V. Joël Monéger : RTD com. 2020, p. 597, n° 3.
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