la semaine juridique notariale et immobilière

ÉTUDE AFFAIRES 1003 Page 57 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 - © LEXISNEXIS SA vait signer une promesse unila- térale de vente, le 9 novembre 2018. Un troisième argument est proposé aux juges par la société locataire qui soutient que le prix proposé est dissuasif et sollicite une expertise judiciaire en vue de l’établir 7 . Par ailleurs, comme rappelé ci-dessus 8 , l’offre faite par le bail- leur mentionnait non seulement le prix et les frais d’acte, mais également la commission d’agence. La cour de Paris a jugé que « le seul fait que l’offre de vente mentionne en sus du prix prin- cipal, le coût des honoraires de l’agent immobilier, sans intro- duire de confusion dans l’esprit de l’acquéreur, alors qu’ils ne sont pas dus, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente ». L’interprétation est particulièrement bienveillante pour le bail- leur dans la mesure où elle implique que le locataire connaissait la jurisprudence de la Cour de cassation. Il est vrai qu’il rectifie l’offre qui lui est faite, considérant qu’il n’est tenu de payer que le prix et les frais… La société locataire, déboutée par le tribu- nal, fait appel. 7 - La cour d’appel de Paris, dans la ligne adoptée par les juges du premier degré, rejette de manière abrupte et très succincte tous les arguments de la société locataire. Selon la cour d’appel, la propriétaire qui envisageait de vendre le local loué « pou- vait entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien afin de déterminer sa valeur et de vérifier l’existence d’un marché ». C’est presque la copie du jugement. Le tribunal de grande instance de Paris, dans sa décision frappée d’appel, avait énoncé, pour sa part, que « le bailleur peut entamer sans contrevenir aux dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce avant de notifier une offre, les démarches préalables inhérentes à tout processus de commercialisation afin de déter- miner le prix de son bien et de vérifier l’existence d’un marché immobilier ». 8 - Si ces affirmations peuvent être admises dans leur principe, il est plus délicat de mesurer les conclusions des juges et de les approuver. Elles donnent lieu à de sérieuses réserves ou, à tout le moins, des interrogations au regard de la lettre et de l’esprit de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. L’appréciation de l’arrêt ne semble pas respecter la disposition régulatrice du droit de priorité. 7 Même si l’évolution de la valeur de l’immeuble entre le jour de la décla- ration du legs aux services fiscaux et celui de la notification du projet de vente peut paraître étonnante, elle est sans rapport avec la difficulté qui nous occupe. 8 Supra, n° 7. 2. L’appréciation de l’arrêt au regard de l’article L. 145- 46-1 du Code de commerce 9 - La lettre du texte (A) , tout comme son esprit (B) , ne paraissent pas permettre l’adoption de la solution particulièrement libérale adoptée par la cour d’appel. A. - Une décision incompatible avec la lettre de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce 10 - L’article L. 145-46-1 du Code de commerce dispose dans son premier alinéa : « Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de ré- ception, ou remise en main propre contre récépissé ou émarge- ment » . Même si Portalis estimait qu’il fallait laisser au juge le soin d’appliquer la loi selon les espèces qui lui étaient soumises, il n’envisageait pas de lui confier de combler systématiquement l’insuffisance syntaxique et grammaticale du législateur. Le légis- lateur a voulu inscrire dans la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 à l’article 14, l’une des propositions du groupe de travail présidé par Philippe Pelletier en 2004. S’il est sain de ne pas légiférer dans la hâte, 10 ans de maturation pour aboutir à une rédaction aussi maladroite et imprécise, c’est fâcheux. Il s’ensuit que sans la pro- tection de la loi pour cause d’imprécision, c’est au juge d’apporter le sens exact des textes invoqués par les parties, de corriger les malfaçons rédactionnelles 9 . 11 - C’est ce à quoi s’est employée la troisième chambre de la Cour de cassation.L’arrêtmajeur est celui qui a été rendu le 28 juin 2018 10 affirmant non seulement la nature d’ordre public de la disposition, mais aussi la prohibition d’inclure des honoraires de négociation dans l’offre transmise au locataire acheteur potentiel privilégié. L’arrêt est d’autant plus important que le législateur a voulu calquer la démarche imposée avec une très grande sévérité par la Cour de cassation dans l’application de l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 et de la jurisprudence développée en matière 9 V. F. Kendérian, Les malfaçons rédactionnelles au sein de la loi Pinel : Loyers et copr. 2020, dossier 20. – Ibid., nos obs. in De l’imprécision de la loi, repère 9. 10 JCP 2018, 984, note Gijsbers ; JCP E 2018, 1454, note Alidor ; JCP E 2019, 1167, n° 29, obs. F. Kendérian ; RTD com. 2018, p. 605, obs. F. Kendérian ; Defrénois 18 oct. 2018, p. 31, obs. C. Grimaldi ; Gaz. Pal. 20 nov. 2018, p. 31, obs. J.-D. Barbier ; Defrénois 2019, p. 64, Provost-Lopin ; D. 2018, p. 1736, avis F. Burgaud ; D. 2018, p. 1740, note Viudès ; Roussel, D. 2018, Chron. C. cass., p. 2435, obs. Collomp ; AJDI 2019, p. 122, obs. J.-P. Blat- ter ; Loyers et copr. 2018, comm. 201, obs. Ph.-H. Brault ; Rev. loyers 2018, p. 404, obs. H. Chaoui. Il n’est nullement besoin de recher- cher un acquéreur et de conclure avec lui un avant-contrat pour déterminer la valeur de l’immeuble

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