la semaine juridique notariale et immobilière
1003 ÉTUDE AFFAIRES Page 56 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 pratique consistant à conclure un avant-contrat avant d’avoir mis le locataire en mesure d’exercer son droit de préférence devait être abandonnée. Les malfaçons rédactionnelles au sein de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 2 , brevitatis causa , la loi Pinel, ont été pour certaines effacées, ou estompées au fil des premiers arrêts de la Cour de cassation. Ces arrêts dans les limites des questions inscrites dans les pourvois rendent plus claire la norme voulue par le législateur, et tentent de donner une pertinence à un texte qui en manquait. Cette opinion a des partisans et des opposants. Elle ne paraît pas avoir convaincu la cour d’appel de Paris. 2 - Dans un arrêt du 27 mai 2020 3 , la cour de Paris a considéré qu’il était loisible au propriétaire bailleur qui envisage de vendre de procéder, d’abord, à un certain nombre d’actes préalables à la notification d’une offre de vente au locataire occupant régulier des lieux ; ensuite, de ne pas attendre l’écoulement du délai de réflexion conféré par la loi au locataire pour répondre à l’offre qui lui a été faite pour conclure une promesse unilatérale de vente au profit d’un tiers acquéreur. L’arrêt de la cour d’appel de Paris recevra-t-il un accueil favorable par la Cour de cassation à l’occasion d’un pourvoi ou sera-t-il l’objet d’une cassation ? 3 - La réponse est loin d’être aisée. L’ambiguïté du texte légal peut tout aussi bien conduire la Cour de cassation à adopter, en rejetant le pourvoi, une solution qui laisse une certaine sou- plesse dans son application, comme cela est souhaité par cer- tains praticiens, ou, en cassant l’arrêt, une position ferme dans la ligne adoptée en 2018. Avant d’opiner dans un sens ou dans un autre, il convient de lire avec attention l’arrêt de la cour de Paris. 1. L’arrêt de la cour de Paris du 27 mai 2020 A. - Les faits 4 - Une association cultuelle, la Fraternité sacerdotale Saint- Pie X, a reçu par legs en date du 16 mai 2016, un immeuble à Paris (7 e ) loué à bail commercial à la société Hôtel de la Tour- Maubourg. La locataire a sollicité le renouvellement du bail de 12 ans, au début de l’année 2018, et la procédure est toujours éd., 2018, n° 541 et s. ; Code des baux commenté, Dalloz, s. L. 145-46-1 c. com. et nos obs. et Guide des baux commerciaux : LexisNexis, 201920, fiche 73. 2 F. Kendérian : Loyers et copr. 2020, dossier 30. 3 CA Paris, pôle 5, ch. 3, 27 mai 2020, n° 19/09638 : JurisData n° 2020- 008654 ; Loyers et copr. 2020, comm. 84, note E. Marcet ; Administrer août-sept. 2020, p. 41, note J.-M. Moyse ; RTD com. 2020, p. 596 et s., J. Monéger. pendante 4 . L’association propriétaire, n’en ayant aucune utilité directe, envisage quelques mois plus tard de le vendre 5 . 5 - Pour ce faire, elle procède, ainsi que le relevait le jugement 6 , en plusieurs temps. Dans un premier temps, bien que l’ayant déclaré, au titre des droits fiscaux résultant du legs, pour une valeur de 3 000 000 € , l’association propriétaire pense que l’immeuble a pu voir sa valeur évoluer. En février 2018, elle sollicite des avis de valeur de diverses agences puis, le 3 mars 2018, signe un mandat de vente avec l’une d’entre elles. Ensuite, par lettre recommandée avec demande d’avis de récep- tion du 19 octobre 2018, « confirmée » par acte d’huissier le 24 octobre 2018, la bailleresse, ainsi que le pose l’alinéa 1 de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, notifie au locataire une offre de vente de l’immeuble loué au prix de 5 050 000 € , et les conditions de la vente envisagée : une somme de 380 000 € correspondant aux frais droits et émoluments de l’acte authen- tique, et une commission d’agence qui s’élève à 300 000 € . Dans un troisième temps, la propriétaire bailleresse, sans at- tendre l’écoulement du délai légal de réponse du locataire, le 25 novembre 2018, consent par acte notarié du 9 novembre 2018, une promesse unilatérale de vente à la société Immopolis au prix de 5 050 000 € . Enfin, la société locataire n’ayant pas exercé son droit de priorité dans le délai d’un mois imparti par la loi, la bailleresse, avant de faire dresser l’acte de vente au profit de la société bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente, l’assigne à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir juger que le droit de préemption qui lui est accordé par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce a été purgé. B. - Les arguments échangés et l’arrêt rendu 6 - La société locataire a opposé plusieurs moyens à la demande de la bailleresse. Elle conclut, d’abord, à la nullité de l’offre de vente émise par l’association, le 19 octobre 2018, dont elle a accusé réception le 23 octobre. Elle soutient que l’association aurait dû notifier son offre de vente avant la signature, le 3 mars 2018, d’un mandat de vente à la société Immopolis, la notifi- cation devant être antérieure à toute négociation avec un tiers et à tout mandat de vente. Elle soutient ensuite que la notifica- tion prévue par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce doit avoir lieu avant tout avant-contrat et que la bailleresse ne pou- 4 C’est ce que précise le commentaire paru dans la revue Administrer août/ sept. 2020, p. 41 et s., n° 545. 5 L’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 pose le principe de spécialité des associations cultuelles. 6 Cet exposé des faits ressort notamment de la lecture de la décision rendue par le TGI de Paris le 28 mars 2019 (TGI Paris, 28 mars 2019, n° 18/15054) où ils sont présentés de manière détaillée.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=