la semaine juridique notariale et immobilière
Page 51 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 - © LEXISNEXIS SA CORRIGÉ D'EXAMEN FAMILLE 1002 Il est précisé que M me Picard a remboursé seule les emprunts relatifs tant à l’acquisition qu’à la construction. Compte tenu de la date de ces opérations, soit en 2003, il peut être supposé que les deniers utilisés par M me Picard pour rembourser les prêts provenaient exclusivement de ses honoraires, M. Picard ayant cessé de travailler en 2000. Ce fi- nancement exclusif par M me Picard du prix n’a pas d’impact sur la propriété de l’immeuble, le titre prévalant sur le financement 12 . Il est également indiqué que les époux ont résidé dans cette maison et que M me Picard y a établi son cabinet. En acquittant ainsi l’intégralité des échéances des emprunts, il peut être soutenu que M me Picard a, de la sorte, contribué aux charges du mariage 13 , sauf pour M me Picard à démontrer, d’une part, que la présomption relative à la contribution aux charges du mariage ne peut être que simple 14 et, d’autre part, que sa participation a excédé ses facultés contributives et, qu’enfin, la clause de non-recours ne joue pas dans cette hypothèse, l’objet du re- cours en justice n’étant pas de contraindre l’autre époux à remplir son obligation de contribuer aux charges du mariage mais d’obtenir une indemnité en raison d’un enrichissement injustifié 15 . En effet, il est admis que lorsqu’un époux a contribué aux charges du mariage par des dépôts réguliers sur les comptes gérés par les deux époux, cette contribution peut être considérée comme justement proportionnée à ses facultés contributives et le financement du bien immobilier comme excédant la contribution aux charges du mariage et pouvant donner lieu au versement d’une indemnité 16 . On supposera ici que M me Picard admet que le remboursement des emprunts correspondait exclusivement à sa contribution aux charges du mariage. Elle ne dispose donc à cet égard d’aucune créance. 3° Appartement situé à Toulouse Il s’agissait d’un bien personnel de M. Picard puisque l’ayant reçu par voie de succession. Cet immeuble a fait l’objet de travaux en 2004 et il nous est précisé que M me Picard a prêté cette somme à M. Picard. De nouveau, il peut être supposé que les deniers prêtés correspondaient à des deniers personnels de M me Picard, étant seule à travailler à cette époque. Il est précisé qu’aucun remboursement n’est intervenu. Dès lors que ce sont bien des deniers personnels qui ont été prêtés et que la dépense a été réalisée sur un bien personnel de M. Picard, il convient cette fois-ci de faire application de l’article 1543 du Code civil qui renvoie à l’article 1479 du même code, ce dernier renvoyant 12 Cass. 1 re civ., 31 mai 2005, n° 02-20.553 : JurisData n° 2005-028678 ; JCP G 2005, IV, 2621 ; Dr. famille 2005, comm. 168. 13 Cass. 1 re civ., 3 oct. 2018, n° 17-25.858 : JurisData n° 2018-017975. – Cass. 1 re civ., 1 er avr. 2015, n° 14-13.795. 14 Ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond : Cass. 1 re civ., 18 nov. 2020, n° 19-15.353, P+B : JurisData n° 2020-018937. – Il y a lieu éga- lement de tenir compte de l’article 1356 du Code civil qui ferait obstacle au caractère irréfragable d’une telle présomption : J. Klein, Contrats sur la preuve : sur la portée de l’interdiction d’établir une présomption irréfragable : RDC 2018, n° 115e8, p. 205, n° 8. – T. Douville : AJ contrat 2018, p. 37, obs. ss Cass. com., 6 déc. 2017, n° 16-19.615. – Q. Guiguet-Schielé, Quelle impérativité pour l’ar- ticle 214 du Code civil ? : Gaz. Pal. 26 nov. 2019, n° 364n8, p. 46. 15 La Cour de cassation n’a pour l’instant admis le jeu de la clause de non-recours que pour l’hypothèse d’une absence de contribution et non pour un excès de contribution donnant lieu à une action en indemnité sur le fondement de l’en- richissement injustifié : Cass. 1 re civ., 13 mai 2020, n° 19-11.444, P+B : JurisData n° 2020-006923. 16 Cass. 1 re civ., 11 avr. 2018, n° 17-17.457 : JurisData n° 2018-012712. – Cass. 1 re civ., 5 déc. 2018, n° 18-10.488. lui-même à l’alinéa 3 de l’article 1469. Il apparaît ici que la dépense faite par M me Picard est de 50 000 € . Une des difficultés, en l’espèce, est que l’immeuble ayant fait l’objet de tra- vaux a été divisé en deux et que seul un appartement sur les deux est présent dans le patrimoine de M. Picard à son décès. Il y a dès lors lieu de distinguer 17 . S’agissant de l’appartement donné à Marie-Hélène, il y a lieu, confor- mément à l’alinéa 3 de l’article 1469 du Code civil, de retenir la valeur au jour de la donation, donc le jour où cet appartement est sorti du patrimoine de M. Picard. Conformément à la jurisprudence préci- tée et s’agissant d’une dépense d’amélioration, le profit subsistant est égal à la différence entre la valeur de l’appartement avec les travaux et la valeur de l’appartement sans les travaux au jour de la donation. Le profit subsistant est donc égal à 300 000 – 200 000 = 100 000 € . M me Picard ayant financé l’entière dépense, c’est ce montant qui doit être retenu pour fixer sa créance. S’agissant de l’appartement demeuré dans le patrimoine de M. Pi- card, conformément à la jurisprudence précitée et s’agissant d’une dépense d’amélioration, le profit subsistant est égal à la différence entre la valeur de l’appartement avec les travaux et la valeur de l’ap- partement sans les travaux au jour du décès et à l’époque du partage, étant précisé qu’il n’y a pas eu d’évolution de valeur entre le décès et l’époque du partage. Le profit subsistant est donc égal à 400 000 – 300 000 = 100 000 € . M me Picard ayant financé l’entière dépense, c’est ce montant qui doit être retenu pour fixer sa créance. Au total, la créance de M me Picard sur M. Picard, pour le financement des travaux, est de 100 000 + 100 000 = 200 000 € . 4° Le fonds de commerce donné à Amandine Ce fonds de commerce était personnel à M. Picard puisque l’ayant reçu par voie de donation. Il en a ensuite lui-même disposé par voie d’une donation. Celle-ci sera analysée dans le cadre de la liquidation de la succession. 5° Prêt à Bernard Le prêt a été consenti par M. Picard à Bernard. Les sommes prêtées proviennent d’un gain du Loto. Il y a dès lors lieu d’établir si ce gain et donc les sommes correspondantes étaient personnels à M. Picard. Sous le régime de la séparation de biens, le principe est que le titre prévaut sur le financement. Dès lors que Monsieur a acheté seul le billet du Loto, ce dernier lui appartenait personnellement et il en va dès lors de même du gain qui en est issu 18 . M. Picard pouvait donc parfaitement en user pour les prêter à Bernard. Aucune créance n’est due pour l’usage des fonds ayant permis l’ac- quisition du ticket de Loto, le thème indiquant que M. Picard a usé de fonds perçus suite à un service rendu à un ami. On supposera ici que cette origine n’est pas contestée. 6° Solde du compte joint Par application de l’alinéa 3 de l’article 1538 du Code civil, il y a lieu de considérer que le solde est indivis entre époux pour moitié chacun. Toutefois, M me Picard étant seule à travailler, elle pourrait rapporter la preuve que les deniers présents sur le compte lui appartenaient per- 17 Cass. 1 re civ., 14 oct. 2020, F-P+B, n° 19-13.702 : JurisData n° 2020-016237. 18 Cass. 1 re civ., 4 oct. 1983, n° 82-11.537.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=