la semaine juridique notariale et immobilière

Page 50 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 1002 ➜ SOLUTION PROPOSÉE 1. Liquidation du régime matrimonial 1 A. - Détermination du régime matrimonial Les époux se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, ayant adopté un tel régime par contrat le 5 juillet 1988. S’appliquent dès lors les articles 1536 et suivants du Code civil. B. - Détermination des différents biens, des créances entre époux et liées aux indivisions 1° Immeuble situé à Castres Ce bien appartient personnellement à M. Picard. Il en va de même de la maison qui y a été édifiée et, ce, par le jeu de l’accession 2 . La dépense de construction a été financée exclusivement par M me  Pi- card. Si cette dernière n’arrive pas à rapporter la preuve de l’origine des deniers ayant servi à acquitter cette dépense, il y a lieu de présu- mer que ceux-ci étaient indivis entre les époux, par application de l’alinéa 3 de l’article 1538 du Code civil 3 . Au cas présent, il nous est indiqué que M me  Picard a utilisé ses éco- nomies pour financer cette dépense. Compte tenu de la date du mariage (5 juillet 1988) et la date de la conclusion du contrat (sep- tembre 1988), il peut être retenu que lesdites économies ont été constituées antérieurement au mariage, étant rappelé que la preuve du caractère personnel d’un bien peut être faite par tous moyens 4 . Il s’agissait donc de deniers personnels de M me  Picard. À cet égard et dès lors que M me  Picard a régulièrement contribué aux charges du mariage, avec les revenus que lui procurait son activité libérale, il ne peut être considéré que ce financement correspond éga- lement à une contribution complémentaire aux charges du mariage. Il faut, en outre, rappeler que, suivant la Cour de cassation, sauf convention matrimoniale contraire, l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage 5 . Il est vrai qu’ici, il n’y a ni deniers provenant de la vente d’un bien personnel ni acquisi- tion d’un bien indivis. Toutefois, il apparaît cohérent d’étendre cette solution jurisprudentielle à tout apport en capital d’un époux, quelle qu’en soit l’origine, ayant permis le financement d’une dette incom- bant à son conjoint. 1 Sur l’intérêt d’une telle liquidation et son contentieux, R. Savatier, Liquidation entre époux contractuellement séparés de biens du patrimoine conjugal : RTD civ. 1981, p. 497. – A. Depondt, La liquidation du régime de la séparation de biens, 1 re et 2 e  parties : JCP N 2009, n° 49, 1328 ; JCP N 2009, n° 50, 1334. – S. David, Le contentieux liquidatif de la séparation de biens : AJ fam. 2010, p. 206. 2 Cass. 1 re civ., 5 févr. 1986 : JCP G 1986, II, 20702. 3 Cass. 1 re civ., 22 juin 2004 : Bull. civ. I, n° 179 ; RTD civ. 2006, p. 361, obs. B. Va- reille. – Cass. com., 22 sept. 2009, n° 06-20.247 : JurisData n° 2010-049594 ; JCP N 2010, n° 40, 1316, note J.-P. Garçon. 4 Cass. 1 re civ., 10 mars 1993, n° 91-13.923 : JurisData n° 1993-000509. 5 Cass. 1 re civ., 3 oct. 2019, n° 18-20.828, P+B+I : JurisData n° 2019-016954 ; JCP N 2019, n°41, act.791. Le paiement réalisé par M me  Picard de la dette incombant à M. Picard peut avoir plusieurs causes : – un prêt 6  ; – le remboursement d’une dette préexistante ; – une donation ; – une donation rémunératoire 7 , ce qui suppose ici que soit retenue une sur-contribution aux charges du mariage de la part de M. Picard, sachant que la jurisprudence admet que la rémunération de cette sur- contribution puisse être anticipée 8 . Sans accord des héritiers sur la qualification à retenir, ce point devra être exposé dans le procès-verbal constatant l’échec d’une tentative de partage amiable. Dans le cadre de la présente liquidation, il sera retenu que les héritiers s’accordent pour retenir l’existence d’un prêt consenti par M me  Picard à M. Picard. Il y a ainsi lieu à rétablissement. Pour déterminer le montant de la créance de M me  Picard, doit tout d’abord être exclu l’article 555 du Code civil. D’une part, nous ne sommes pas ici dans une hypothèse où il y a construction par un tiers et, d’autre part, la Cour de cassation a exclu l’application de l’article 555 du Code civil dans les rapports entre époux séparés de biens 9 . Il doit être fait application de l’article 1543 du Code civil, ce texte visant l’hypothèse où un époux finance avec des deniers personnels une dépense sur le bien personnel de l’autre. Aussi, en application des articles 1479 et du 3 e  alinéa de l’article 1469 du Code civil, en l’absence de convention contraire, dès lors que la dépense réalisée est une dépense d’amélioration, la créance de M me  Picard doit être déterminée au regard du profit subsistant égal à la différence entre la valeur, au décès et au partage 10 , du terrain nu et la valeur, à la même date et à la même époque, de l’immeuble bâti 11 . Le profit subsistant est donc égal à 220 000 – 80 000 = 140 000  € . M me  Picard ayant financé toute la dépense, sa créance est donc égale à 140 000  € . 2° Immeuble situé à Mazamet Ce bien est indivis entre les époux pour l’avoir acquis pour moitié chacun tout comme la maison qui a été ensuite édifiée, ce par voie d’accession (C. civ., art. 553) . 6 Cass. 1 re civ., 18 mars 2020, n° 19-11.475 : JurisData n° 2020-004438 , où la Cour rappelle que la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à jus- tifier l’obligation pour celle-ci de les restituer. 7 Cass. 1 re civ., 16 déc. 2020, n° 19-13.701 où la Cour retient que « lorsqu’un époux séparé de biens acquiert un bien, soit à titre personnel, soit indivisément avec son conjoint, au moyen de fonds fournis par ce dernier, sa collaboration non rémunérée à l’activité professionnelle de celui-ci ou à la gestion du ménage et à la direction du foyer peut constituer la cause des versements effectués pour son compte dès lors que, par son importance, cette activité a excédé sa contribution aux charges du mariage et a été source d’économies ». 8 Cass. 1 re civ., 9 nov. 1993, n° 91-22.059 : JurisData n° 1993-002644 ; Bull. civ. I, n° 317 ; RTD civ. 1994, p. 662, obs. Patarin ; RTD civ. 1995, p. 173, obs. Vareille ; JCP 1994, II, 22300, note Philippe ; Defrénois 1994, art. 35761, obs. Champenois. 9 Cass. 1 re civ., 25 avr. 2006 : JurisData n° 2006-033193 ; Bull. civ. I, n° 204 ; JCP N 2006, n° 20, act. 369. 10 Cette valeur est identique dans le présent cas. 11 Cass. 1 re civ., 13 févr. 2013, n° 11-24.825 : JurisData n° 2013-002074.

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