la semaine juridique notariale et immobilière
1000 ÉTUDE LA PROFESSION Page 40 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 gestion de tout ou partie d’un patrimoine ( par exemple, le mandat d’administrer une indivision [C. civ., art. 815-3] , le mandat donné par un époux à l’autre de « le représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribue » [C. civ., art. 218] , le mandat à effet posthume por- tant sur la gestion de la succession pour le compte et dans l’intérêt de certains héritiers [C. civ., art. 812 s.]) , voire d’un mandat qui s’étend à la protection de la personne du man- dant ou de ses enfants vulnérables ( mandat de protection future pour soi-même ou pour autrui [C. civ., art. 477 s.]) ? 27 - En faveur de l’exclusion de tels mandats généraux, di- vers arguments semblent convaincants : la lettre du décret du 20 novembre 2020, dont le dispositif ne mentionne nul- lement le mandat ; l’esprit de ce texte, dont les justifications pratiques convergent vers des actes notariés déterminés et dont le Gouvernement n’a jamais donné comme exemples d’application des mandats généraux et encore dont le ca- ractère expérimental invite à une réduction de périmètre ; la définition doctrinale de la notion de procuration, qui la distingue nettement de celle de mandat, surtout qu’« il y a plus qu’une nuance entre le pouvoir donné à un collabora- teur du notaire aux fins d’établir un acte dont le contenu est déjà négocié, et le contrat par lequel on abandonne à une personne de confiance la gestion de tout un patrimoine » 48 . 28 - En faveur de l’extension aux mandats généraux, d’autres arguments peuvent être défendus. D’abord, le visa des articles 1984 à 1990 du Code civil porte à croire que le décret est applicable à tout type de procuration ou mandat soumis à ces dispositions de droit commun, ce qui englobe les mandats généraux précités, gouvernés par des règles particulières et également, à titre subsidiaire, par les articles 1984 et suivants du Code civil 49 . Ensuite, le CSN, dont le rôle a été déterminant dans l’adop- tion du décret et qui en a déjà livré une interprétation aux membres de la profession, estime « envisageable de pouvoir recevoir sur le fondement des dispositions du décret des 48 M. Julienne, Acte notarié à distance : nouvelle étape : JCP N 2020, n° 48, éditorial, p. 2. 49 Les articles 478 et 812-1-4 du Code civil le rappellent clairement au sujet du mandat de protection future et du mandat à effet posthume. procurations générales » 50 , à l’exclusion (prudente) du man- dat à effet posthume et du mandat de protection future 51 . Au soutien de l’admission de ce dernier mandat général, il est possible de mobiliser le droit comparé en évoquant un système juridique très proche du nôtre : une loi belge du 30 avril 2020 a consacré la possibilité pour les notaires d’éta- blir des procurations authentiques sans comparution phy- sique des mandants, « y compris les mandats de protection visés à l’article 490 du Code civil » 52 . Enfin et peut-être surtout, les restrictions au champ d’appli- cation du décret du 20 novembre 2020 méritent d’être écar- tées pour ne pas accréditer l’idée que la réception à distance n’est pas suffisamment fiable de facto comme de jure , alors que la consécration de l’AACD, fût-elle pour le moment limitée à la procuration notariée à distance, est opportune et légitime. 29 - L’heure est désormais venue de son appropriation par les notaires et de la détermination par ceux-ci et les instances de la profession des « bonnes pratiques » à suivre pour que l’expérimentation de la procuration notariée à distance soit pleinement concluante et prolongée par l’extension de ce mode de réception aux actes notariés eux-mêmes. Si le décret du 20 novembre 2020 est une étape décisive dans la modernisation de l’acte notarié, de toute évidence d’autres textes suivront pour l’ancrer plus largement encore dans l’ère de la dématérialisation et reconnaître qu’il répond au puissant besoin de sécurité juridique suscité par la révo- lution numérique. Dans cette perspective, nul doute que des propositions se- ront formulées par le 117 e Congrès des notaires de France ayant pour thème, en 2021, « Le numérique, l’homme et le droit. Accompagner et sécuriser la révolution digitale ». ■ 50 CSN, note préc., qui donne en exemple celles fondées sur les ar- ticles 815-3, 2° ou 218 du Code civil. 51 « Le mandat de protection future ou le mandat à effet posthume, qui échappent en tout ou partie au régime et à l’esprit du mandat de droit commun ne semblent pas en revanche être concernés par le dispositif » (ibid.). 52 Loi portant des dispositions diverses en matière de justice et de no- tariat dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, dont l’article 6 ne limite cependant pas l’autorisation de la procura- tion digitale par visioconférence, avec signature qualifiée des parties, à la période de crise sanitaire (www.ejustice.just.fgov.be) .
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