la semaine juridique notariale et immobilière

1000 ÉTUDE LA PROFESSION Page 34 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 1 - 8 JANVIER 2021 port électronique et à distance, non pas de tout acte notarié, mais uniquement des procurations. Ne pas ouvrir la comparu- tion à distance à tous les actes notariés peut apparaître suspi- cieux aux yeux de ses détracteurs et surprenant, voire décevant, pour ceux qui en reconnaissent l’opportunité et la légitimité 3 . Des arguments peuvent toutefois être avancés au soutien de la limitation de l’AACD aux procurations notariées. 2 - Les atouts de l’expérimentation. – Le ministre de la Justice a évoqué le caractère expérimental de cette limitation dans les termes suivants : « afin de pouvoir apprécier dans la durée les impacts, juridiques et techniques d’une telle pérennisation, il est proposé de circonscrire la faculté de dresser des actes nota- riés à distance aux seules procurations » 4 . La restriction, à titre expérimental, du champ d’application de l’AACD témoigne de l’audace prudente du Gouvernement. De fait, si le décret du 20 novembre 2020 ne constitue pas un règlement d’expéri- mentation au sens constitutionnel du terme 5 puisqu’il n’est pas limité dans le temps, la démarche de la Chancellerie s’inscrit indubitablement dans le courant en vogue de l’expérimentation des politiques publiques, caractérisée par l’innovation autant que par la circonspection 6 . Procéder par étapes présente prin- cipalement deux atouts. 3 - L’acceptabilité de la réforme. – D’une part, l’expérimenta- tion permet de renforcer l’acceptabilité de la réforme auprès de ses acteurs, spécialement ceux chargés de sa mise en œuvre, en l’occurrence les notaires. Interrogés par le Conseil supérieur du notariat (CSN) en juin dernier sur l’AACD instauré par le décret du 3 avril 2020, 79,1 % des notaires (titulaires, associés ou salariés) n’ont pas répondu à l’enquête. Au sein de cette majorité silencieuse, il est sans doute des sceptiques et même des réfractaires que l’expé- rimentation est susceptible de rassurer et peut-être à terme de convaincre, à l’instar de la pratique de l’acte authentique élec- tronique (AAE) puis de l’acte authentique électronique à dis- 3 V. la 1 re  partie de cette étude, La consécration opportune et légitime de l’AACD, préc. 4 Rép. min. à QE n° 31130 : JOAN Q. 3 nov. 2020, p. 7829. – Dans le même sens, V. D. Ambrosiano, Derrière chaque notaire, il y a le notariat, comme institution, comme infrastructure : JCP N 2020, n° 48, act. 977 , selon le- quel « il faut se donner le temps de l’expérimentation et ceci notamment pour des raisons de sécurité informatique ». 5 L’article 37-1 de la Constitution (issu de la loi constitutionnelle n° 2003- 276 du 28 mars 2003) impose que les lois ou règlements à caractère expé- rimental comportent « un objet et une durée limités » . 6 V. l’étude du Conseil d’État, « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? » : Doc. fr., 2019. tance (AAED) ayant conduit en quelques années au succès de l’un 7 et de l’autre 8 . 4 - L’appréciation de la réforme. – D’autre part, l’expérimenta- tion permet d’apprécier les modalités et les effets d’une réforme, ce qui est particulièrement utile à l’égard de celles opérant une transformation digitale, dans la mesure où les évolutions tech- nologiques rapides invitent à des réexamens juridiques réguliers. Le Conseil d’État l’a relevé : « l’expérimentation apparaît comme un outil particulièrement approprié pour tester des mesures visant des nouveaux outils numériques, destinés aux usagers du service public […], dès lors qu’ils nécessitent d’être développés de manière séquencée, en lien direct avec leurs utilisateurs » 9 . Le garde des Sceaux l’a confirmé au sujet de l’ouverture partielle de l’AACD, qui « permettra de s’assurer des garanties du sys- tème en pratique, notamment au plan technique et en termes de sécurité des échanges et des données » 10 . Il s’agira en parti- culier d’éprouver le système de visioconférence prescrit en cas de comparution à distance 11 et surtout le dispositif de signature électronique des parties de niveau qualifié, qui suscite le plus de critiques en doctrine 12 comme en pratique 13 . 7 Sur le succès de l’AAE, V. les résultats de l’enquête « Pratiques et per- ceptions des acteurs des Hauts-de-Seine » (M. Bourassin, C. Dauchez, M. Pichard, Enquête « Notariat et numérique » : notaires et collaborateurs des Hauts-de-Seine au rendez-vous : JCP N 2019, n° 14, p. 17 ; https://hal. archives-ouvertes.fr/hal-02385005v1 ) réalisée au cours de l’hiver 2018- 2019 dans le cadre de la recherche « Notariat et numérique », dirigée par M. Bourassin, C. Dauchez, M. Pichard, avec le soutien de la Mission de recherche Droit et Justice et la Chambre des notaires des Hauts-de-Seine. 8 Sur le succès de l’AAED, V. D. Ambrosiano, Quel avenir pour l’acte par comparution à distance ? : Defrénois 1 er  oct. 2020, n° 306. – J.-F. Humbert, entretien, SNH 29 oct. 2020, n° 35, p. 17. 9 Étude préc., p. 32 à 33. 10 Rép. min., préc. 11 « Système de traitement, de communication et de transmission de l’infor- mation garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentia- lité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat » (D. n° 71- 941, 26 nov. 1971, art. 20-1) . Il en existe deux versions : l’une matérielle (équipement hardware installé dans une salle de l’office notarial ; selon un communiqué de presse du CSN en date du 4 avril 2020, 40 % des offices en étaient équipés au printemps de cette année) ; l’autre logicielle depuis novembre 2020 (intégrée dans le logiciel de rédaction d’actes le plus utilisé par la profession notariale ou accessible en dehors du LRA). – 100 % des offices devraient en être dotés avant juin 2022 (D. Ambro- siano, Derrière chaque notaire, il y a le notariat, comme institution, comme infrastructure : JCP N 2020, n° 48, act. 977) . 12 Sur les critiques ayant trait à l’authenticité, V. la 1 re  partie de cette étude, préc. ; sur celles relatives aux différents niveaux de signature électronique, V. Th. Douville, Le notaire à distance des parties ? Gestion technique : De- frénois 5 nov. 2020, n° 45-46, p. 30. 13 V. D. Savouré, J.-F. Sagaut et G. Bonnet, Le notaire à distance des parties ? Pratique notariale : Defrénois 5 nov. 2020, n° 45-46, p. 27. – Adde l’en- quête menée par le CSN en juin 2020 au sujet de l’AACD autorisé par le décret du 3 avril : parmi les notaires ayant reçu au moins un AACD avant le 20 mai 2020 (soit un tiers des répondants), le module DocuSign de si- gnature électronique qualifiée a recueilli 67,4 % d’opinions favorables ou très favorables ; en revanche, 81 % ont exprimé une opinion défavorable ou très défavorable à l’encontre du module IDnow d’identification des parties à distance, et ce essentiellement pour les raisons suivantes : refus

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=